samedi 4 janvier 2014

De l'autre côté du miroir


Un système élémentaire ayant des règles simples et déterministes peut donc, comme c'est le cas dans le jeu de la vie et le fourmi de Langton, faire naître un système macroscopique ayant des lois complexes et non déductibles des lois du niveau élémentaire. C'est le modèle de l'émergence de l'ordre à partir de l'ordre ("order from order" de Schrödinger) évoqué dans cet article.
Et pourtant le monde de notre petite fourmi de Langton (décrit dans l'article précédent) est une extrême et odieuse simplification du monde physique réel:

Dans le monde réel, les particules élémentaires ne suivent pas des lois déterministes.
D'une part, les particules élémentaires se comportent de manière probabiliste et d'autre part, elles peuvent violer les règles du jeu de la physique classique déterministe.

C'est le cas par exemple du mystérieux effet tunnel.
En physique classique (non quantique) un objet possédant une certaine énergie ne peut franchir une barrière de potentiel d'une énergie plus élevée.
Par exemple, si on tente de lancer une balle par-delà la tour Eiffel, à mesure que la balle s'élève, elle acquiert une énergie potentielle au détriment de son énergie cinétique initiale transmise par l'impulsion du lancer, de sorte que, suivant le principe de conservation de l'énergie, la somme des 2 énergies (potentielle+cinétique) reste constante (Je fais ici abstraction des frottements et donc de l'entropie...)
En général (en tous cas, si c'est moi qui lance), l'énergie sera insuffisante pour passer au-dessus de la tour.
On dit que la tour constitue une barrière de potentiel.
Je peux effectuer un milliard de fois ce lancer et je peux dire avec un degré de confiance assez élevé que jamais ma balle ne passera au-dessus de la tour Eiffel.

De même si on lance un milliard de fois un objet macroscopique (un ballon en mousse par exemple) contre un miroir, il rebondira sans jamais pouvoir traverser le miroir.


Mais ces règles de bisounours ne s'appliquent pas au monde quantique:
Si on lance un milliard de fois un objet quantique (un électron par exemple) contre un miroir, celui-ci a une petite chance de traverser le miroir.
Cet effet quantique est dû au fait qu'une particule quantique (un électron par exemple) se comporte comme une onde.
Dans les équations de la physique quantique, cette onde décrit une probabilité de présence de la particule.
Hors, l'onde ne s'atténue que progressivement lorsqu'elle heurte un miroir, ce qui fait que la particule a une probabilité de présence non nulle de l'autre côté du miroir...

Sur le graphique, lorsque l'onde heurte le mur, elle s'atténue très rapidement mais progressivement. La partie en rouge illustre la probabilité de trouver la particule quantique de l'autre côté du miroir...


Evidemment, on peut montrer que plus la barrière est grande et plus la probabilité de traverser la barrière est faible. Les chances d'un atome de traverser une barrière de un micromètre sont de 1/100 et tombent brutalement d'un facteur 100 lorsqu'on associe un second atome au projectile.
J'ai expliqué dans un article précédent pourquoi rien n'est simple à partir de 3, mais on voit que tout se complique déjà à partir de 2.
Mes chances de traverser le mur de la cuisine par effet tunnel sont donc assez faibles. (suffisamment faibles pour que personne n'ait pu traverser le mur de ma cuisine depuis la création de l'univers)

Si l'on voulait modéliser cette complexité dans notre jeu de la fourmi, on pourrait imaginer les nouvelles règles quantiques suivantes:
  1. Si la fourmi se trouve sur une case noire, elle a une probabilité de 70% de tourner à gauche et avance d'une case; la case qu'elle quitte change de couleur et devient blanche.
  2. Si la fourmi se trouve sur une case blanche elle a une probabilité de 70% de tourner à droite et avance d'une case; la case qu'elle quitte change de couleur et devient noire.
  3. Et cerise sur le gâteau, elle a une probabilité infime mais non nulle de violer toutes les règles du jeu, c'est à dire de ne pas tourner ou de sauter un certain nombre de cases au hasard!
On aurait ainsi bâti un modèle où la fourmi de Langton (ou probablement autre chose) émergerait d'un chaos non déterministe. Ce modèle serait plus proche de notre monde physique réel ou les particules élémentaires suivent des lois probabilistes.
On pourrait ainsi illustrer le modèle de l'ordre à partir du chaos ("order from noise") proposé par Heinz von Foerster (voir cet article).
Je ne connais pas à ce jour d'automate cellulaire illustrant l'émergence d'ordre à partir du chaos mais des expériences naturelles de chimie comme les cellules de Bénard ou l'horloge chimique de Belousov-Zhabotinsky illustrent bien ce concept sans qu'il soit nécessaire de faire appel à l'informatique. (Voir aussi les structures dissipatives dans cet article)

Sources:

4 commentaires:

  1. Je suis assez choqué par cet article où des particules, qui ont déjà en première instance l'outrecuidance de ne rimer avec rien de décent, se permettent de violer des règles, mais également de par cette photo d'une Alice prépubère, exhibant avec si peu de pudeur ses jeunes cuisses qu'elle en dévoile même la naissance de son postérieur.

    Je viens de signaler ce blog à Monsieur Google pour qu'il le classe dans sa section réservée aux adultes ! Je veux bien être agnostique, mais il y a des choses que la morale chrétienne ne saurait permettre !!!

    heu... oui ok je sors...

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  2. La vie crée l'ordre, mais l'ordre ne crée pas la vie. (Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage) - hum...et bonne année le chaos!

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  3. "Ça c'est ben vrai ça": Mère Denis (années 70. Déjà. sic). A chacun ses Références :-)
    Bien au contraire
    5ème élément (Zorg, alias Gary Oldmann):
    - Oh, mon père... Comme vous vous trompez. Je vais vous expliquer. La vie que vous défendez avec tant de noblesse a pour origine la destruction, le désordre et le chaos. Prenez ce verre par exemple, vide, serein, d'un ennui... mortel. Mais si vous... le détruisez ! Regardez alors toutes ces choses comme elles s'affairent, et notez que chacune a sa place, sa mission à accomplir. Quel ravissant ballet, quel enchantement de formes et de couleurs. Alors pensez à ceux qui ont mit au point tous ces appareils. Les techniciens, ingénieurs, des centaines de personnes qui peuvent grâce cela nourrir leurs enfants lesquels deviendront un jour de beaux grands gaillards, qui feront eux aussi de ravissant petits rejetons qui à leur tour se reproduiront, etc. etc. perpétuant ainsi... la grande chaîne de la vie. Ainsi, vous voyez, par un acte de destruction... je favorise en fait la vie. En réalité vous et moi, nous sommes dans le même business. Tchin, tchin !
    http://www.youtube.com/watch?v=Tt1W0F0yObg

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  4. Un policier : "Êtes-vous classifié comme humain ?"
    Korben Dallas (Bruce Willis): "Négatif. Je suis une mite en pull-over"
    (Le cinquième élément)

    Prochain article samedi...

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