samedi 4 janvier 2014

Entre le cristal et la fumée - Henri Atlan

Le premier mouvement cybernétique recherchait la stabilité et considérait le bruit comme un élément perturbateur ou au mieux stabilisateur: un facteur d'ajustement pour tolérer les aléas et faire face à la nouveauté provenant de l'extérieur.

Dans "Entre le cristal et la fumée", Henri Atlan franchit un pas supplémentaire et défend la thèse que le bruit est la cause de l'émergence de nouveauté dans un système complexe.

Il s'appuie sur la théorie de l'information (celle de Shannon, évoquée dans un post précédent: l'entropie d'information) pour bâtir une nouvelle théorie de la complexité à partir du bruit.
Shannon recherchait la fiabilité des transmissions téléphoniques, il considérait donc le bruit comme un élément négatif, perturbateur, créateur d'entropie.

Dans sa théorie, Shannon définit un système S formé de 2 éléments interconnectés A et B:
A envoie un message vers B.
Du point de vue de l'observateur qui cherche à atteindre une communication parfaite dans le système et se place donc du point de vue de B, le bruit est négatif, puisqu'il empêche la bonne réception du message.

Henri Atlan cherche à comprendre comment les systèmes complexes (biologiques) parviennent à utiliser le bruit et comment ce "bruit" (et cette entropie) pourrait devenir un élément positif, constructif, organisateur.
Dans la théorie de l'information de Shannon, l'information est un concept purement statistique dépourvu de signification: c'est le nombre lettres de l'alphabet pouvant être transmis et stockés.

Mais voici le raisonnement de Atlan:
L'information H dans un système S formé de 2 éléments interconnectés A et B est égale à l'information détenue par A + l'information détenue par B.
Si A émet de l'information vers B et que B reçoit parfaitement toute l'information, alors l'information H dans le système S1 formé par A+B sera égale à l'information de A. (En langage informatique tous les bits de A sont égaux à tous les bits de B):


Mais s'il y a du bruit sur la ligne entre A et B alors l'information H détenue par B à l'issue de la communication sera égale à une partie de l'information de A + du bruit.
La part de bruit, c'est ce qui créé l'autonomie de B par rapport à A.
Donc du point de vue global du système S2, l'information H contenue dans ce système formé par A+B s'il y a du bruit sera égale à l'information de A + du bruit.





Donc statistiquement, l'info H du système S2 (A+ du bruit) est supérieure à celle du système S1 (A), puisqu'elle s'est enrichie du bruit. (Du point de vue informatique il y a des bits d'information en plus dans le système)

On voit comment, en changeant le point de vue de l'observateur, c'est à dire en se plaçant à l'extérieur du système plutôt qu'en tant que B, le bruit acquiert un rôle constructif, positif, puisqu'il ajoute de l'information (au sens purement statistique de la théorie de l'information et non du point de vue sémantique bien sûr)
Notons tout de même que si le bruit est trop important, A et B ne forment plus un système interconnecté car presque rien de tout ce qu'émet A ne sera reçu par B.
Mais si le bruit est modéré et ne détruit pas le système alors, du point de vue de l'information, ce système s'enrichit du bruit.

Pour illustrer ce concept un peu théorique, voici quelques exemples anthropomorphiques (1):

Lorsque nous dialoguons avec une autre personne, cette personne ne perçoit qu'une partie de ce que nous lui transmettons. La partie d'information que cette personne reçoit et la manière dont elle est reçue est toujours différente de l'information émise:
L'intonation ou le ton peuvent être mal perçus, la gestuelle viendra perturber le message, l'information sera interprétée par le cerveau du récepteur en fonction d'un contexte dans lequel se trouve le récepteur, qu'il s'agisse de son contexte environnemental ou de son contexte psychologique.
Bref, l'information transmise est bourrée d'erreurs, bruitée. Et c'est parce qu'elle est bruitée que nous pouvons êtres différents, autonomes les uns des autres.
Pourtant, si un dialogue est établi, ce "bruit" qui rend la communication imparfaite est le moteur de notre indépendance et le générateur d'idées nouvelles et de créativité: c'est bien parce que nous percevons les choses qui nous entourent de manière différente, diverse, bruitée, que nous évoluons différemment du point de vue individuel, que nous nous différencions mais aussi que nous pouvons former une société évoluée (un système complexe).

Si un auditeur écoutant une musique percevait exactement la même chose qu'un autre auditeur à côté de lui alors ces 2 observateurs seraient parfaitement identiques et n'auraient rien à échanger: ce seraient des clones.
Mais c'est parce qu'ils perçoivent la musique différemment qu'un échange devient possible...


C'est ce principe de communication à base d'erreurs créatrices qui est à l'origine du "brain-storming" ou du délire créateur: les paroles des uns font naître les idées des autres qui parlent en retour (boucle de feedback) et génèrent une conversation constructive.

Dans cette théorie, de même que les erreurs de copie de l'ADN sont à la source de l'évolution, le bruit et les perturbations (l'entropie), sources de la variété et de différenciation acquièrent un rôle positif et permettent l'émergence de nouveauté.

Source: Entre le cristal et la fumée - Henri Atlan (pour la partie non anthropomorphique)

(1) A partir d'ici, il s'agit d'une extrapolation entièrement libre et personnelle de la théorie d'Henri Atlan dans "Entre le cristal et la fumée". Le lecteur est évidement libre de ne pas y souscrire ou d'exercer son esprit critique à fond... (comme pour tout le reste évidemment)

19 commentaires:

  1. "Donc statistiquement, l'info H du système S2 (A+ du bruit) est supérieure à celle du système S1 (A), puisqu'elle s'est enrichie du bruit. (Du point de vue informatique il y a des bits d'information en plus dans le système)" A mon avis ça dépend du récepteur, par exemple pour une photo, si on la visionne à une certaine résolution, le bruit n'aura pas augmenté pas la quantité d'information qui décrit la photo, mais aura changé la valeur des propriétés de certains pixels.

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    1. Normalement, avec la théorie de Shannon, la résolution ne joue pas. On raisonne à "information parfaite" donc sans perte (pas de compression, pas d'altération, pas de JPEGisation, ...). Ce qui, bien sûr, est théorique ... Mais normalement, pour une photo (ou disons la vision), l'image du récepteur ne peut pas avoir plus d'information que la réalité (on ne peut pas être plus précis que la réalité) ... sauf s'il y a du bruit qui s'ajoute ...

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    2. Oui, par contre j'ai du mal avec la phrase du bruit qui s'ajoute. Dans ma conception le bruit remplace ou masque de l'information mais n'ajoute rien en terme de quantité.

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    3. Tu as raison, du point de vue du récepteur (le point B dans mon article), le bruit remplace ou masque une partie de l'information.
      Il faut prendre le point de vue du système global A+B pour qu'il y ait de l'information ajoutée:
      Par exemple, si une mémoire A contient "Fred" et que cette information est transmise à une mémoire B qui reçoit et stocke "Frid" à cause du bruit dans la ligne. L'information totale stockée dans le système à l'issu de la communication sera "F-r-i-d-e". Il y a donc une lettre de plus (ajoutée) dans le système A+B à l'issu de la communication.

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  2. Alors sur le résumé des propos d'Atlan, pas de souci. Par contre, sur la partie anthropomorphique, là, j'ai à redire !
    L'exemple que tu cites de communication inter-personnelle n'est pour moi pas adaptée. Tu dis par exemple que la gestuelle vient "perturber" le message et que c'est du bruit. Je ne suis pas d'accord avec ça. Pour moi, la gestuelle est partie intégrante du message et c'est donc une information. La communication interpersonnelle humaine c'est de l'information "data" ("ça va ?") mais aussi l'intonation, la gestuelle, le "body language". C'est bien pour ça que communiquer au téléphone ou par email a ses limites : on ne peut pas utiliser toute la palette.
    Idem quand tu parles du fait que le message est interprété différemment selon l'état d'esprit de l'écouteur. Certes, mais ça n'est pas du "bruit". C'est l'analyse du message qui est ici en cause sans que le message ne soit altéré. Idem pour l'exemple de la musique et des clones. Pour moi, ici, ça se situe un pas plus loin. On entend la musique différemment parce qu'on est DEJA différents, pas à cause du bruit dans le message. Et cette différence initiale s'amplifie éventuellement (et permet en tout état de cause l'échange) après écoute. A la limite, on pourrait postuler que nos cerveaux étant tous différents suite au processus de morphogénèse, nous entendons donc tous la musique (ou le reste différemment). Il suffirait d'une petite variation aléatoire initiale pour que nous ne soyons pas des clones.
    Moi je vois le bruit comme quelque chose de plus "diffus" et j'aurai du mal à en donner un exemple anthropomorphique clair ... A mon sens, notre cerveau est en permanence à l'écoute du monde extérieur (pas forcément consciemment mais au niveau subsconscient la plupart du temps) pour y trouver les signes qui permettent d'interagir correctement avec lui (visuels, auditifs, ..). Mais il y a souvent du bruit au sens propre (tondeuse à gazon du voisin) comme au sens figuré (information additionnelle).
    Bon je me lance dans un exemple : tu mets F.Info pour aller chercher une info A (les news du moment) et tu en reviens avec A' = A, l'information s'étant "enrichie" de 10' d'infos sur l'affaire Dieudonné (keyword, tu vas augmenter ton trafic). C'est du bruit, tu t'en fous mais tu as quand même reçu l'information et ton cerveau ne sera plus jamais comme si tu ne l'avais pas entendue ...

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    1. Pour le "body language", en effet, l'intonation et la gestuelle sont des informations. Mais note tout de même qu'elles peuvent être involontaires et donc "bruiter" le message envoyé. Je fais ici une différence entre l'information qu'on souhaite transmettre consciemment et celle qu'on transmet vraiment.
      De même, en communication face à face, l'information transmise (paroles+body language) peut être "bruitée" par l'environnement. Ton exemple de la tondeuse est assez explicite, on peut aussi imaginer l'exemple d'un présentateur qui ferait une conférence sur fond rouge ou sur fond vert et ne transmettrait donc pas le même message.
      Ce fond rouge ou vert peut très bien faire partie de l'information (parce que le conférencier a consciemment choisi le fond) ou ne pas en faire partie (si la couleur du fond n'est pas un choix) mais il est certain que le message ne sera pas reçu de la même manière.
      Mais j'irai plus loin: même si le fond du conférencier a été choisi consciemment, le message reçu par le récepteur peut être "bruité" par l'HISTOIRE et la CULTURE du récepteur (La couleur n'a pas forcément la même signification pour des cultures différentes)
      Tu dis que "On entend la musique différemment parce qu'on est DÉJÀ différents": je ne suis pas tout à fait d'accord, je pense que nous DEVENONS différents sous l'effet du "bruit", ce qui est conforme au principe d'accroissement de la complexité ou d'auto-organisation d'un système à partir du bruit (je fais ici l'hypothèse que le cerveau est un système complexe et auto-organisateur).
      Tu dis également que "nos cerveaux sont différents suite au processus de morphogenèse": je ne sais pas si c'est le cas pour les jumeaux homozygotes, mais pour moi, il n'y a pas que la structure de notre cerveau qui nous rend différent, il y a également notre histoire, nos souvenirs, capturés dans le "piège à bruit" que constitue notre cerveau et qui peuvent parasiter les informations reçues du monde l'extérieur.

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    2. "Je fais ici une différence entre l'information qu'on souhaite transmettre consciemment et celle qu'on transmet vraiment. "ah moi non ... c'est que je suis beaucoup plus freudien ;) l'information est un tout qui comprend le conscient, l'inconscient, le subconscient et tout a son importance. Le choix des mots et de la langue (là, on est plus dans Lacan, bref).
      Le conférencier me convainc mieux. Tiens, tu sais qu'une étude a montré que, pour qu'un Powerpoint soit mieux lu, il faut prendre ... une police petite et pourrie ? plus c'est illisible .. plus le récepteur se concentre.
      Encore une fois, pour moi, l'histoire et la culture du récepteur ne bruitent pas car ils sont en aval. Tu as ton schéma A --> B et le récepteur se trouve APRES "B" donc n'intervient pas dans la réflexion d'Atlan. Par ailleurs, quand je parle de la structure du cerveau, j'entends "histoire et culture inclus". On ne sait pas très bien comment marche le cerveau encore ... mais quand je parle de "structure du cerveau", j'entends la cognition ET la mémoire donc le process de traitement + les data (mémoire, culture, histoire), les 2 étant à mon sens indissociables. Après, est-ce que la culture et l'histoire personnelle impacte seulement la mémoire et/ou la structure neuronale ... j'aurai tendance à penser les deux mais bon ...
      Alors sur le "on est" ou "on devient" différents, je suis d'accord mais je remonte plus loin en avant que toi. Tu fais comme si la morphogénèse n'était pas un processus mais un instant T. Or, la formation du cerveau prend très longtemps ! De l'embryon jusqu'à .... la fin de la puberté. Sans aller si loin, pour moi, le bruit commence à jouer dès la formation de l'embryon. l'ADN (order-to-order) fournit les bases de la construction cérébrale mais les stimuli intra-utérin, le "bruit" (disorder-to-order), c'est-à-dire, la (faible) lumière, la voix de la mère par résonance, les bruits extérieurs (basse), les mouvements, vont créer des différences dans cette construction entre les individus. Même 2 jumeaux qui ont une grande proximité, et dans l'ADN et partageant le même ventre, n'ont pas la même position à l'instant T et auront toujours un bruit légèrement différent donc ils naîtront légèrement différemment.
      En plus, la spécificité de l'espèce humaine, c'est qu'à la naissance, nous sommes de grands prématurés : notre cerveau est loin d'être fini. Par exemple, un bébé est quasiment aveugle à la naissance, les centres de traitement de l'image n'étant pas développés. Et il y a dans les premières semaines une grosse activité de mort cellulaire dans le cerveau qui correspond à un "reshaping": une bonne part des structures développées in-utero sont abandonnées au profit de structures développées dans le "vrai monde" et qui vont donc être soumises au bruit et donc dfférentier encore un peu plus le cerveau, même des jumeaux homozygotes. Là encore, par leur proximité, les jumeaux peuvent avoir des structures suffisamment proches pour expliquer les histoires de jumeaux qui se sentent très proches, éprouvent les mêmes choses, épousent des nanas similaires, etc etc
      Donc je suis d'accord avec toi que nous DEVENONS différents sous l'effet du bruit mais quand je dis nous sommes DEJA différents, je veux dire par là que le process de différentiation démarre dès le début de la morphogénèse ...
      Après, le fait que nos cerveaux donnent des interprétations différentes car ils sont déjà différents et vont donc s'enrichir différemment (ton exemple de la musique), oui, je suis d'accord. Mais ça ne me semble pas correspondre avec la théorie d'Atlan (enfin la partie que tu as résumé) puisque lui ne parle que de différences dans la TRANSMISSION du message (comme Shannon), pas dans l'interprétation ...

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    3. Intéressant... en effet, j'ai pris un exemple de communication A vers B ou A et B sont des consciences "pures" en tant qu’éléments faisant partie d’un système S plus global incluant A et B alors que tu prends un exemple ou A et B sont des êtres tout entier, ce qui, après tout, est entièrement légitime... (En effet, une conscience "pure", ce n'est pas très rigoureux comme concept, mais bon, il m'a fallu trouver un exemple anthropomorphique parlant, en tous cas, il me parlait à moi).
      Au risque de faire mal à la tête à ceux qui liraient nos commentaires, j'aimerais mener cette réflexion au bout:
      Je différencierais donc T(A) et T(B) de A et B.
      T(A) étant le tout de A (conscience + inconscient) alors que A ne serait que la partie émergée (la conscience "pure", émergée). De même pour B et T(B).
      Le problème est donc le suivant : si tu prends les êtres tout entier plutôt qu’une partie, l’exemple, certes anthropomorphique, et donc déjà discutable à la base, ne fonctionne plus du tout, car dans ce cas, tu te retrouves dans le cas d’une simple communication entre 2 éléments A et B qui fonctionne mal.
      En effet, il n’y a que pour le système S=A+B que le bruit acquiert un rôle positif dans la théorie de Atlan, autrement, il n’est qu’un symptôme de mauvaise communication entre A et B.
      Autrement dit, ce qui est décrit par Atlan comme positif/créateur, ce n'est ni pour A, ni pour B, mais pour le système S, qui serait dans ton cas la société entière plutôt que les individus A et B...

      Dans le cas d'un dialogue A vers T(B), T(A) me semble faire partie du "bruit": en effet, puisque tu acceptes l'exemple du conférencier, je ne fais pas de différence entre le fond rouge qui n'a pas été choisi par le conférencier et un lapsus (involontaire) ou une gestuelle involontaire. (Sauf dans le cas où le fond rouge est aussi un lapsus du conférencier mais alors il faudra aussi dire que la mouche qui vient perturber l'auditoire ou tout autre "aléa" de l'environnement est un lapsus).

      Par contre, du point de vue du récepteur (B ou T(B), peu importe), ton argumentation est totalement convaincante: en effet, la culture et la mémoire (le T) n'interviennent que comme éléments de rétroaction (boucle de feedback) dans le processus de réception puisqu'ils ne constituent pas des éléments radicalement nouveaux pour le récepteur et ne peuvent donc pas être considérés comme des "aléas" (du bruit) vis à vis de celui-ci. Je me range donc à tes arguments concernant le récepteur.
      Bon, c’était juste un exemple anthropomorphique. Il va falloir trouver un meilleur exemple :-)

      PS
      Ce livre est sûrement sponsorisé par un vendeur d’aspirine. :-)

      PPS
      Cette discussion est à la fois délirante et... délirante... :-)

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    4. ça pose les limites de l'anthropomorphisme ...
      effectivement, je suis parti de ce que tu appelles T(A) et T(B) pour une raison non négligeable : je ne crois pas que A puisse être séparé de T(A) ... nous ne pouvons séparer notre conscient de notre subconscient (je renvoie à Daniel Kahneman, psychologue, économiste et prix Nobel qui, pour éviter les pbs sémantiques, appelle ça "système 1" et "système 2"). On ne sait pas vraiment tracer la ligne entre les 2 et ils agissent en interaction permanente. A la limite, le conscient se "débranche" mais le subconscient, lui, agit tout le temps. Imaginer une "pure conscience" est donc un total artefact, ça ne peut pas marcher.
      Par contre, tu as raison, pour Atlan, le bénéfice éventuel est pour le système. Mais dans une communication entre T(A) et T(B) unidirectionnelle T(A) ---> T(B) ; S= T(A) + T(B). Si S 'accroît, l'accroissement de H est réparti entre T(A) et T(B). Or, puisque T(A) et pur émetteur, on peut déduire que l'accroissement de H se fait uniquement sur T(B), non ? Evidemment, c'est encore théorique puisque la communication est rarement unilatérale ...

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    5. Dans le cas d'une communication unidirectionnelle, on ne peut pas en déduire que l'accroissement de H se fait uniquement sur T(B) puisque, à cause du bruit, T(B) reçoit une info partielle en provenance de T(A) + du bruit. Il n'y a donc pas d'accroissement de H (l'information) de son point de vue. Par exemple, sur 10 bits d'information, j'en ai reçu 7 en provenance de A et 3 en provenance d'une tondeuse...Il n'y a pas d'accroissement.

      Par contre, l'info dans le système T(A) + T(B) s'est augmentée du bruit.
      Je pense pouvoir illustrer ce concept avec mon superbe exemple anthropomorphique. Imaginons la conversation suivante entre Henri Atlan (T(A)) et Sophie (T(B)), qui fait une thèse sur la cybernétique dans son labo.

      - Henri: On doit pouvoir résoudre le problème de l'entropie qui baisse, soit créative!
      (A ce moment, un bruit de tondeuse empêche Sophie de bien comprendre la fin de la phrase, ce qui fait qu'elle comprend la phrase suivante: "On doit pouvoir résoudre le problème de "S", si elle est négative").
      - Sophie: Si elle est négative dans le système S ??
      (A ce moment, on voit que l'info pour Sophie n'a pas augmenté, elle a juste mal compris la phrase de Henri, par contre une info supplémentaire s'est glissée dans la conversation)
      - Henri: Mais oui Sophie !!! Tu as raison ! Si l'entropie d'information est négative dans S, c'est parce que du point de vue du système S elle a baissé !
      - Sophie: Nom d'un pipe en bois ! C'est évident !
      (Là on voit que l'info dans le système S=Henri+Sophie a été augmenté !)

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    6. Ce dernier exemple illustre d'ailleurs la raison pour laquelle je faisais la distinction entre A et T(A), c'est à dire entre la conscience et le tout.
      En effet, on peut très bien imaginer que Sophie ait juste mal entendu la fin du message (indépendamment du bruit de la tondeuse, elle pouvait juste être déconcentrée, c'est à dire sa conscience a pu divaguer quelques instants) ou qu'elle ait reconnu dans le bruit de la tondeuse des mots qui n'ont pas été prononcés, mais que son inconscient a projeté, de la même manière que notre inconscient identifie des formes dans les nuages, le marc de café ou le test de Rorschach.
      Autrement dit, l'augmentation de l'information H dans le système S=T(A)+T(B) n'a pas forcément augmentée d'un bruit extérieur, mais ce qui a augmenté, c'est bien l'information dans le système S=A+B, c'est à dire dans les consciences de Henri et Sophie: une information jusque là inconsciente a émergé, elle a été rendu consciente...

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  3. Prochain article demain samedi !

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  4. Votre discussion était passionnante... Merci pour ce moment Steph et Nicolas

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    1. Et encore, là c'est sur le blog mais en vrai on peut débattre des heures comme ça ! :)

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  5. D'un point de vue éthique cette découverte est fondamentale car elle permet de valider l'idée que la diversité, le brassage des points de vue, le mélange, permet à une communauté de s’améliorer, d’acquérir "un rôle positif". Sans vouloir faire de politique, une société formée d'êtres semblables est une société qui ne progresse pas (j'entends ici le mot progrès dans le sens de l'évolution, l'adaptation) donc fatalement vouée à mourir. Qu'en pense Nadine M. ???

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    1. C'est amusant de constater comme les lois mathématiques ou physiques ont inévitablement des répercussions éthiques. ;)

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    2. Nadine M. me semble assez peu préoccupée de l'évolution par le haut de la société ;)
      Mais il semble qu'une société purement homogène conduirait à une érosion des idées, à une innovation nulle et à une régression. Après, l'hétérogénéité n'est pas synonyme d'immigration. La diversité peut venir d'ailleurs mais aussi du dedans. On peut d'ailleurs se demander si notre système scolaire très normatif (à mon sens) n'est pas un "tueur de créativité" ("Teacher, leave the kids alone ..."). Etant moi-même concerné, les déviances de l'esprit (bipolarité dans mon cas), tant qu'elles restent maîtrisées et vivables (et non porteuses de danger pour autrui) sont aussi vecteur de diversité (on peut retrouver Foucault mais aussi Kay Redfield Madison, malade elle-même, éminent chercheuse sur la maladie, qui ne souhaite pas qu'elle soit totalement guérie pour ne pas perdre l'apport en pensée disruptive qu'elle peut amener).

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    3. Cette question soulève aussi le problème de l'intégration des grands ensembles (UE) et de la mondialisation culturelle. Le nivellement (voulu ou pas) peut être facteur d'appauvrissement à l'avenir. Je suis totalement opposé à notre concept d'"exception culturelle" (arrogant et protectionniste) mais il faut bien dire qu'une certaine "biodiversité des idées" doit être conservée ...

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    4. Entièrement d'accord sur le système scolaire. A ce propos, voici un TED talk de Ken Robinson qui est quasiment mon préféré, avec une pointe d'humour anglais à se taper le cul par terre : https://www.youtube.com/watch?v=TKyFe3y5aMU

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