samedi 14 juin 2014

Même les sciences dures sont molles

La persistance de la mémoire (1)
Dans cette série sur les biais cognitifs, je vais commencer par le pire qui soit dans les sciences et aussi l'un des plus néfastes pour la société: il s'agit d'un biais appelé "cécité théorique".

Nous adorons classer les choses de manière simpliste. Il y a les bons et les mauvais, la gauche et la droite, ce qui est bien et ce qui est mal, etc. 
En science, il y a les sciences dures et les sciences molles. On classe généralement les sciences conduisant à des prédictions déterministes dans la catégorie des sciences "dures", tandis qu'on classe les autres, celles dont les prédictions sont plus hasardeuses, probabilistes ou "à géométrie variable" dans la catégorie des sciences "molles".
En gros, les sciences "dures" seraient celles pour lesquelles on peut avoir des quasi-certitudes sur l'avenir alors que la complexité, le hasard et l'incertitude sont le propre des sciences "molles". 

Si on les classait par degré de mollesse croissante (ou de dureté décroissante), on obtiendrait sûrement quelque chose de ce type :
  1. Mathématiques
  2. Sciences "physiques"
  3. Biologie - Sciences dites "naturelles"
  4. Psychologie expérimentale / Sciences cognitives / Neurosciences etc.
  5. Economie / Sciences dites "sociales" (sociologie, politique etc.)
Cette classification correspond à peu près à une gradation en niveaux de complexité.
Bizarrement, la statistique, alors même qu'elle traite du hasard, est naturellement rangée avec les mathématiques dans les sciences "dures". J'imagine que c'est parce qu'elle constitue une tentative de domestication du hasard. Pourtant, que dire d'une science qui affirme qu'après avoir lancé une pièce dix fois et avoir obtenu dix fois "pile" continue à prétendre que j'ai une chance sur deux d'obtenir "face"? (Même après avoir obtenu mille fois "pile", la probabilité théorique d'obtenir pile au prochain lancer est toujours de 50%, alors que dans ce cas, tout le monde a compris que la pièce était probablement truquée ou déséquilibrée et que la probabilité pratique d'obtenir "pile" est bien supérieure...)

La plupart des sciences dites "molles" ont eu tendance par le passé à vouloir adopter les méthodes des sciences dites "dures", poursuivant ainsi l'illusion déterministe. L'exemple type est celui de l'économie théorique, qui, sous un vernis de sérieux, est une vaste fumisterie :
Rien que dans les quinze dernières années, nous avons assisté à des crises économiques de grande ampleur, sans qu'aucun modèle théorique n'ait jamais pu les prédire (sauf ceux qui les ont prédites par hasard, ce qui n'est pas étonnant étant donné le nombre de gens qui font des prédictions leur fond de commerce, il est normal qu'un certain pourcentage parmi eux arrivent parfois à tomber juste, ce qui n'est qu'un effet de la loi des grands nombres).

La "mollesse" est en général connotée plutôt négativement. Mais la "mollesse" a également un côté positif : elle peut refléter une certaine plasticité (Voir des nuages et des horloges).

A la vérité, je pourrais tout aussi bien affirmer que les sciences ne sont ni dures, ni molles mais qu'elles sont:
Cependant, si vous avez lu attentivement ce blog depuis le début, vous devriez être d'accord avec moi pour adopter plutôt la classification suivante:
  • Les mathématiques seules dans le groupe des sciences lisses, dures et continues
  • Les sciences naturelles (ou empiriques), bref, tout ce qui étudie le monde réel dans la catégorie des sciences molles et granuleuses
En effet, les mathématiques appartiennent au monde céleste des concepts et des idées pures (platoniciennes), tandis que les autres appartiennent au monde de la réalité imparfaite et sublunaire dans laquelle nous vivons. (en l’occurrence, pour un scientifique "dur": "imparfaite"="incertaine, hasardeuse")

Si les économistes "classiques" sont incapables de comprendre ou d'expliquer la vérité sur ce qui nous motive, nous autres êtres humains irrationnels, c'est parce que d'après la théorie économique classique (encore largement enseignée de nos jours aux étudiants en économie), je ne devrais pas être en train d'écrire ce blog. En effet, les économistes ont un modèle théorique simple des individus qui leur permet de modéliser le fonctionnement du marché. Dans ce modèle théorique, les individus sont appelés des "Econs" (ou des "Homo Economicus") : ceux-ci se comportent en fonction de lois "rationnelles", c'est à dire que chaque Econ se comporte de manière à optimiser son propre intérêt dans toutes les situations. 
Suivant ce modèle de l'individu "rationnel", le marché fonctionnerait quasi parfaitement si nous autres, êtres humains, renoncions à nos biais, c'est à dire à tous les penchants qui nous rendent irrationnels aux yeux d'un économiste, comme le comportement altruiste, le bénévolat, l'écriture de blogs pour le plaisir, etc. 

Ce modèle théorique simple (-iste), permet aux économistes de ne pas se complexifier la vie avec des considérations psychologiques qui rendraient leurs modèles tellement lourds et complexes à manipuler qu'ils en deviendraient inutiles. 
C'est pourquoi ils préfèrent réduire les humains à des particules élémentaires et leur appliquer des lois statistiques, ce qui leur donne l'apparence de sérieux d'une science dite "dure".
Aujourd'hui, même les sciences physiques (mécanique classique, mécanique quantique ou thermodynamique) ont renoncé à un tel simplisme.

Il est vrai qu'on élabore un modèle dans le but de simplifier les choses, de manière à ne pas s'encombrer de détails annexes, considérés comme inutiles pour l'objet d'une démonstration. 
Par essence, un modèle néglige certains paramètres jugés trop complexes et peu pertinents. Si on doit s'encombrer des incertitudes de la réalité, on risque de ne pas pouvoir faire de prédictions, ça serait quand même dommage...

Tout le problème vient donc du fait que ceux qui l'utilisent finissent presque inévitablement à croire au modèle, surtout quand celui-ci apporte quelques résultats, et par oublier que le modèle n'est pas la réalité
Or, plus le modèle est utile et apporte de résultats probants, plus il fascine, et plus on finit par oublier les hypothèses simplificatrices dont il est issu (voir Le problème à trois corps).
Ainsi, nombre d'économistes et d'hommes politiques pensent que le marché fonctionnerait parfaitement bien si l'être humain, biaisé, irrationnel, (pénible quoi!) voulait bien se comporter comme une particule élémentaire.
On a rarement vu une science prendre pour hypothèse quelque chose d'aussi odieusement en opposition avec l'objet qu'elle tente d'expliquer, puisque l'économie est une science humaine avant tout (bien que beaucoup d'économistes tentent à coup de calculs, d'indices, de graphiques, d'histogrammes, de courbes de tendances et de simulations en tous genres, de nous faire croire que c'est une science exacte). Le pire est qu'ils sont suivis dans leurs délires par des financiers, commerciaux, banquiers etc. qui, placés devant Excel, se comportent comme des enfants de quatre ans à qui on a refilé un avion de chasse et dont on s'étonne qu'ils se crashent au premier virage (Les ravages d'Excel!)
Nous assistons donc à un renversement flagrant de la réalité par le modèle où, lorsqu'un être humain (un homme politique par exemple) tente d'intervenir sur le marché, il est qualifié d'interventionniste irrationnel.

Irrationnels, nous le sommes assurément, c'est ce qui disqualifie d'entrée de jeu ce modèle. De même sommes nous tous interventionnistes, puisque dans la mesure de nos moyens, il nous arrive parfois d'investir (et donc de parier) sur certaines entreprises plutôt que sur d'autres (via des placements bancaires, PEE, etc.)

Or, d'après LE modèle, nous devrions tous être parfaitement rationnels et avoir le même niveau d'information (La transparence totale de l'information concernant le marché est aussi un axiome de ce modèle, la plupart des gens ignorent le problème de l'asymétrie de l'information pour lequel Joseph Stiglitz a obtenu le prix Nobel en 2001). Si cette hypothèse était vraie, la bourse n'existerait pas puisque nous parierions tous sur les mêmes entreprises, celles qui sont censées nous rapporter le plus d'argent.

Comme me l'a également fait remarquer Nicolas Quint, si nous étions parfaitement rationnels, la publicité ne servirait à rien, et nous achèterions tous assurément le meilleur café (ou celui au meilleur rapport qualité-prix), indépendamment du fait que George Clooney en boive aussi.
Le marketing constitue un secteur florissant de l'économie qui exploite notre irrationalité fondamentale : ainsi donc, le modèle économique classique nie des pans entiers de l'économie, domaine qu'il est justement conçu pour éclairer !

Il s'agit d'un cas flagrant de cécité théorique où tout ce qui est en opposition avec le modèle est nié.
Or, la plupart des grandes innovations scientifiques sont issues d'observations qui ne collaient pas avec les modèles antérieurs. La théorie du chaos, par exemple, a mis longtemps pour émerger, car elle ne rentrait pas dans une catégorie scientifique pré-existante. Aussi Edward Lorenz a-t-il publié ses premiers articles sur le chaos dans une revue de météorologie, passant ainsi inaperçu pour beaucoup de collègues scientifiques.

Ce biais, la cécité théorique, s'applique également aux sciences dites "dures", comme l'astronomie.
Nous considérons aujourd'hui le système géocentrique comme complètement faux et, de manière inconsciente, nous nous rions de nos ancêtres qui croyaient à un modèle aussi nombriliste. Pourtant, le système géocentrique et les tables établies par Ptolémée dans l'Almageste au IIème siècle étaient remarquablement précises.
La théorie de la relativité stipule d'ailleurs que tous les mouvements sont relatifs et que donc aucun référentiel n'est plus légitime qu'un autre.
Le système géocentrique de Ptolémée avait simplement pris pour point de référence la Terre. Cela a pour effet de rendre certains calculs relativement complexes car les planètes décrivent par rapport à la terre des trajectoires grossièrement épicycloïdales, mais il n'en reste pas moins possible de décrire tous les mouvements des planètes en prenant la terre comme point fixe. Le modèle de Copernic est supérieur à celui de Ptolémée uniquement parce qu'il est plus commode, non parce qu'il est plus vrai.
Comme l'indique Stephen Hawking (2), il est plus facile de décrire le mouvement des planètes dans un référentiel héliocentrique que dans celui d'un bocal à poisson situé sur la terre (Pour le poisson, en raison de la courbure du bocal, toutes nos lignes droites sont courbes, ce qui ne simplifie assurément pas les équations...)

Un autre exemple de "cécité théorique" est illustré par l'expédition de l'astrophysicien Arthur Eddington en 1919 pour observer la déviation des rayons lumineux d'une étoile à proximité du soleil, effet observable uniquement lors d'une éclipse et prévu par la théorie de la relativité générale : Eddington photographie l'étoile et affirme que ses observations sont conformes à la théorie, mais il apparaît plus tard que la marge d'erreur liée au temps nuageux était bien supérieure au phénomène à mesurer, mais Eddington était venu observer les effets relativistes, pas les marges d'erreur... (3)

Ce même biais, la cécité théorique, s'applique également à la mécanique classique.
Nous autres scientifiques, êtres "rationnels", continuons à croire au modèle classique de Newton que nous continuons par conséquent, à enseigner à tous les enfants des écoles. Pourquoi ? Parce qu'après tout, il est simple et relativement prédictif dans les conditions usuelles dans lesquelles nous en avons besoin. Bien que faux à la marge, il peut nous être utile au jour le jour.

Si un écolier poursuit ses études au-delà du bac scientifique, il apprend enfin pourquoi le modèle de Newton est faux et pourquoi il faut utiliser le modèle relativiste d'Einstein qui est beaucoup plus juste (c'est à dire précis, dans certaines conditions spécifiques, notamment aux vitesses proches de celles de la lumière : le vrai et le faux, en matière scientifique, se réfèrent à une précision plutôt qu'à une vérité absolue).

Mais très vite, l'écolier apprend que le modèle de la relativité générale est également faux dans l'infiniment petit et qu'il faut appliquer celui de la mécanique quantique, qui est, dans certaines situations, contradictoire avec celui de la relativité générale...

C'est alors que nous nous mettons à construire de grands accélérateurs de particules qui sont censés nous aider à lever la contradiction et nous dire enfin la vérité sur le monde qui nous entoure...

Mais en creusant davantage, on apprend que ces deux grands modèles théoriques  (la mécanique quantique et la relativité générale) sont non seulement contradictoires entre eux, mais également avec les principes d'une autre science de la nature, la thermodynamique, en raison du postulat qu'elles font toutes deux de la réversibilité du temps, contre l'irréversibilité thermodynamique (Voir le sens du temps).

Par définition, les sciences classiques se fondent sur la négation du temps, puisqu'elles cherchent à établir des lois, des principes, des généralisations, qui permettent de réaliser des expériences reproductibles. Si une expérience menée en 1905 n'est plus reproductible en 2014, où irait la science? Et pourtant, plus on se rapproche du big bang, plus le temps devient élastique. Certains astrophysiciens pensent même qu'il serait granuleux (il y aurait des quantas de temps...)

A propos de la théorie du big-bang, elle peine un peu à expliquer 95% de la masse de l'univers, et la vitesse d'expansion de l'univers est plus rapide qu'elle ne devrait, mais comme on n'a pas d'autres théories pour expliquer que les étoiles s'éloignent les unes des autres, autant croire à celle-ci en attendant... (4)

Nous voilà donc pour le moment incapables de réconcilier toutes ces contradictions, c'est à dire incapables de fusionner tous ces modèles en un seul qui constituerait le Graal de la connaissance.

Des milliers de physiciens persistent à rechercher une théorie unificatrice qui les renvoie sans cesse dans les cordes (Voir la théorie des cordes). Cette théorie, qui stipule l'existence de petits élastiques vibrants, semble tellement élastique qu'elle est irréfutable, elle reste donc pour l'instant du domaine de la spéculation.

En outre, aucun de ces modèles ne semble pouvoir expliquer ce que nous expérimentons tous les jours et qui nous apparaît pourtant comme une évidence: notre expérience humaine et sociale, l'écoulement du temps, notre libre arbitre, ou même simplement la vie et son émergence.

Après tout, ce n'est guère surprenant. Tous ces modèles théoriques sont des objets mathématiques, idéalisés, des idées "pures" platoniciennes, c'est à dire, suivant la classification que j'ai proposée plus haut, des objets lisses et durs de la pensée.

Or, même dans le monde idéalisé des mathématiques, s'applique le curieux théorème de Gödel, qui stipule que pour la même raison qu'il n'existe pas d'ensemble de tous les ensembles, il existe dans n'importe quel système logique suffisamment évolué, certaines propositions indémontrables à partir des axiomes de la théorie.
Si même en mathématique, la cohérence d'ensemble est indémontrable, on ne voit pas bien pourquoi la réalité devrait s'y plier...

Références:
(1) La persistance de la mémoire - Salvador Dali (exposé au Museum of Modern Art, New York)
(2) Stephen Hawking - "Y a-t-il un grand architecte dans l'univers?"
(3) Stephen Hawking - "Une brève histoire du temps"
(4) R. Robinson - "Pourquoi la tartine tombe toujours du côté du beurre"

3 commentaires:

  1. Merci de ta citation :)
    Pour les économistes, je me permets de pousser un peu plus loin. L'économie classique et néo-classique, ultra-dominante, utilise le modèle de l'"agent rationnel", un agent pouvant être une personne physique (toi, moi) ou morale. Cela va plus loin que la maximisation de l'intérêt personnel qui n'est qu'un pêché presque véniel ;)
    Cette théorie stipule que :
    1/ L'agent est mû par des besoins (manger, se loger, se déplacer) et non des pulsions ou envies (avoir un grand jardin & une piscine, une belle bagnole, manger du foie gras). On voit l'inanité de la chose
    2/ L'agent est rationnel ce qui tend à vouloir dire qu'il choisit systématiquement le meilleure rapport qualité/prix, la qualité étant strictement adaptée à son besoin
    3/ L'agent a toutes les informations nécessaires au 2/ ce qu'a brillamment infirmé Stiglitz avec les asymétries d'informations.
    Stiglitz a brillamment infirmé cela avec les asymétries d'informations. Exemple canonique : si on va acheter une voiture d'occasion dans un garage, on a beaucoup moins d'informations sur le vendeur. Dès lors, les acheteurs ont tendance à se baser sur le prix pour jauger de la qualité et non à jauger la qualité pour voir si le prix est OK comme le voudrait la théorie.

    La question est : pourquoi ces hypothèses trop simples et visiblement déconnectées de la vie ? Il y a 2 groupes :
    - ceux qui, à la base, l'ont fait en sachant que c'était réducteur mais que c'était un premier pas (work in progress)
    - d'autres l'ont fait par idéologie car ils pensaient que c'est comme ça que l'homme devait se comporter
    Toujours est-il que l'édifice a continué à se perpétuer de cette façon pour de multiples raisons. La première est la complexité à intégrer la psychologie dans la macro-économie (même si on sait maintenant l'intégrer en micro-économie). Mais également parce que le meilleur moyen de faire une thèse, d'aller dans des colloques, de progresser dans la carrière, voire même avoir le "prix de la banque de Suède pour l'économie", c'est de pondre de l'équation.

    Pour la délimitation sciences dures/molles, je prendrais bien le critère de l'expérimentation (qui ne s'applique pas aux maths qui sont un outil). Evidemment, la sociologie et l'économie produisent de l'expérimentation mais à une échelle très limitée. Et on ne peut reproduire des situations passées (exode rural, hyper-inflation de Weimar, ...) pour des raisons évidentes. Les économistes parlent d'"expérience naturelle" qui n'est autre que l'étude de situations passées (l'étude du rapatriement des pieds noirs pour évaluer les effets d'un choc migratoire par exemple). Mais le terme d'expérience est impropre.
    Mais bon la notion d'expérience, même en physique, est sujette à caution. L'expérience elle-même est définie et encadrée par un sujet humain subjectif visant à valider un modèle ou une théorie ...

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    1. Tu mets le doigt sur un point tout à fait fondamental:
      En prenant pour critère de délimitation "l'expérimentation", c'est à dire la reproductibilité des expériences, les sciences "dures" classiques ont été très fructueuses, puisque c'est ce critère de "reproductibilité" qui permet de "pré-voir" ce qui va arriver dans certaines conditions (C'est le déterminisme physique).

      Mais ce même critère (simplificateur) élimine du même coup de leur domaine de validité tous les phénomènes sur lequel le passage du temps peut avoir un impact. (comme la théorie de l'évolution, qui a été, par définition, élaborée à partir d'une "expérience naturelle")
      Il s'agit de la "négation du temps" que j'ai évoqué dans cet article et dans plusieurs autres (Voir "Le sens du temps", voir aussi "Entre le temps et l'éternité").

      La seconde loi de thermodynamique, en parlant d'entropie croissante irréversible et d'évolution des systèmes, a réintroduit le temps dans les sciences "dures".
      Bizarrement, comme je l'ai indiqué dans l'introduction de ce blog (voir "Introduction"), elle a immédiatement suscité un vif débat, mais le débat s'est adouci avec la notion d'équilibre thermodynamique qui a permis à cette théorie de faire des prévisions et donc des expériences reproductibles (je dirais que cette notion a simplement conforté notre biais pour le déterminisme, car nous autres, êtres humains, détestons les surprises: nous avons besoin de représentations stables de la réalité)

      Plus tard, la théorie du chaos a relancé le débat sur le temps avec les notions de "points de bifurcation" (irréversibilité) et d'"horizon temporel" au-delà duquel on ne peut plus "pré-voir".

      Le problème ne vient pas tant de la simplification (on est bien obligé de simplifier pour modéliser) que de l'usage abusif d'un modèle hors de son domaine de validité.
      Dans cette série d'article, je combats l'"illusion déterministe", le simplisme (c'est à dire l'usage réducteur d'un modèle dans un domaine où il ne s'applique plus) et le biais qui consiste à ignorer tout ce qui ne "colle" pas avec un modèle théorique dominant: l'histoire de la théorie du chaos est édifiante sur ce point! (Voir "La théorie du chaos" de James Gleick)

      La société est prompte à adopter des modèles simples, mais lente à les remettre en cause:
      La théorie macro-économique prétend faire des prévisions sur des horizons temporels sur lesquels même Météo France n'oserait se risquer, et de plus, elle prétend le faire à partir d'une représentation complètement erronée de la réalité.

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  2. Mon ami Jean-Michel a attiré mon attention sur cette superbe vidéo parue sur le blog Science du monde: "Et si le théorème de Pythagore n'était pas vrai ?"
    Je partage le lien, c'est un vrai délice:

    http://www.lemonde.fr/sciences/video/2014/06/13/et-si-le-theoreme-de-pythagore-n-etait-pas-vrai_4437688_1650684.html#xtor=AL-32280270%20

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