jeudi 16 octobre 2014

La machine molle

Parmi les nombreux cas de cécité théorique ayant émergé d'une théorie scientifique, il y en a peu qui m'agacent autant que celle du cerveau-machine. Ce paradigme présuppose que notre cerveau fonctionnerait comme une machine ou un ordinateur, avec ses centres de traitement spécialisés, ses bugs, son disque dur, sa mémoire haute-fidélité, sa mémoire flash etc. etc.
Ce paradigme mécaniste, renforcé par l'essor de l'informatique, s'est tellement imposé dans la société au cours des années, que j'ai peiné à ébaucher cet article qui tente de l'ébranler (tâche titanesque que je serais bien présomptueux de vouloir effectuer tout seul dans un article de blog évidemment, mais je ne serais pas mécontent d'ajouter mon grain de sable à ce rouage trop bien huilé). Que n'a-t-on pas entendu en 2011 lorsque Watson, l'ordinateur d'IBM, a remporté le jeu Jéopardy, rééditant ainsi l'exploit de Deep Blue lorsqu'il battit Gary Kasparov aux échecs. Les tenants du dogme du cerveau-machine nous expliquaient alors qu'on était à deux doigts de pouvoir simuler un cerveau sur un ordinateur, ce qui me semble être un cas flagrant d'hybris. Heureusement, je ne suis pas seul à être agacé par cette vision simpliste des choses et de nombreux articles hérétiques paraissent désormais dans des journaux scientifiques, y compris grand public (bien que le magazine "Pour la Science" vienne de publier son mensuel d'octobre sous le titre "décrypter le cerveau, comment la science y parviendra"...)
La théorie du cerveau-machine n'est pas neuve, elle a émergé progressivement depuis la naissance des neurosciences avec le localisationnisme, lorsque Paul Broca et Carl Wernicke ont découvert que les aires du cerveau qui portent désormais leurs noms, étaient spécialisées respectivement dans le traitement de la parole et de la compréhension du langage.
Depuis lors, la vision du cerveau-machine a prédominé en neurosciences, et de nombreux scientifiques, stimulés par la métaphore informatique, se sont lancés dans le recensement des aires du cerveau et de leurs équivalents informatiques (cortex visuel = carte graphique, cortex auditif = carte son, Quotient Intellectuel (QI) = vitesse du processeur (CPU)  etc.).

En soi, et plutôt conformément au fonctionnement évolutif de la science, il serait injuste de la condamner complètement, car cette vision des choses n'est pas totalement fausse et a permis de grandes avancées en neurosciences.
En effet, face à la complexité du problème (le cerveau compte environ 100 milliards de neurones et 1015 synapses), les neurosciences n'avaient d'autre choix que de simplifier.
Mais encore une fois, la simplification excessive peut mener à la négation d'une partie de la réalité et au dogmatisme scientifique (voir "la cécité théorique" et "les illusions cognitives").

Evidemment, la méthode traditionnelle et "historique" d'exploration du fonctionnement du cerveau est porteuse d'un biais évident, qui est pour beaucoup dans l'établissement du paradigme dominant. Jusqu'à l'apparition des techniques de neuro-imagerie, on n'avait pas d'autre manière de comprendre le cerveau que de s'intéresser aux effets de certaines lésions (Exemple: si telle zone du cortex préfrontal est lésée ou absente, alors, le patient ne ressent plus d'émotion, donc cette zone est responsable des émotions. Ou encore: si l'aire de Wernicke est touchée, le patient parle de manière incompréhensible, donc cette aire est responsable de la compréhension du langage etc. etc.).

Le livre qui est, à mon humble avis, le plus disruptif en la matière, est celui de Norman Doidge: "Les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau". Si vous ne devez en lire qu'un seul sur ce sujet, je vous conseille celui-ci. La banalité de son titre est en contraste absolu avec le contenu passionnant du livre (je me désole simplement qu'il soit desservi par son intitulé). S'il apporte un éclairage nouveau sur le cerveau, c'est parce que les savants dont il décrit les recherches s'intéressent au problème du cerveau sous un angle nouveau, celui de la rééducation, ce qui donne à leurs résultats de recherche une coloration plus dynamique que ceux qui s'intéressent aux effets des lésions. Il y raconte l'aventure des pionniers de la neuroplasticité et des résistances qu'ils durent affronter: Paul Bach-y-Rita, Michael Merzenich, Edward Taub, Vilayanur Ramachandran, Barbara Arrowsmith, Jordan Grafman, Lorimer Moseley et bien d'autres. En voici une brève synthèse pour vous mettre en appétit.

En 1959, Pedro Bach-y-Rita est victime d'un AVC (Accident Vasculaire Cérébral) qui lui paralyse la moitié du corps et le prive de parole. Il a 67 ans. Il devient alors une nouvelle victime du paradigme du cerveau-machine, car le diagnostic des neurologues est sans appel: il est incurable et doit être placé dans un établissement spécialisé. La machine est cassée et on n'a jamais vu une machine s'auto-réparer n'est-ce pas ? Surtout que, on le découvrira après sa mort, des centres essentiels de la motricité au niveau du cortex et 97% des nerfs allant du cortex à la colonne vertébrale ont été détruits.
Pourtant, Georges, son fils, alors étudiant en médecine, est d'un autre avis: il entame la lente rééducation de son père, en partant du stade du bébé (il lui réapprend d'abord à marcher à quatre pattes, dans son jardin, sous le regard offusqué de ses voisins, qui lui reprochent de le mettre dans une situation aussi dégradante). Mais le résultat tient du miracle: Un an après, Pedro Bach-y-Rita sera suffisamment rétabli pour reprendre son activité professionnelle (il sera enseignant au City College de New York) et, durant les 8 années qui suivent, il reprendra également la  randonnée, se remaria et mourut finalement à l'âge de 72 ans lors d'un raid en montagne à l'altitude de 2800 mètres.

En 1969, Paul Bach-y-Rita, le second fils de Pedro, alors ingénieur et médecin-rééducateur, vient au secours des aveugles de naissance, que le corps médical considérait alors comme définitivement infirmes. Paul construit une machine incroyable appelée "dispositif de vision tactile": il place des patients aveugles sur une chaise où une manette leur permet de faire bouger une caméra. Cette caméra retransmet les zones claires et les zones sombres à un gros ordinateur qui les transforme en impulsions dans une plaque de 400 stimulateurs vibrants fixés au dos du fauteuil. Chaque stimulateur fonctionne ainsi comme un "pixel tactile", ressenti comme une vibration par le sujet.
Avec un peu d'expérience, les sujets parviennent alors à lire, discerner des visages, voir la perspective, éviter un ballon qui leur est lancé dessus...
Paul Bach-y-Rita affirme qu'on voit avec notre cerveau, pas avec nos yeux...
Il démontre que les aires du cerveau (le cortex visuel par exemple) ne sont pas si spécialisées que ça et peuvent se "recycler" pour traiter des signaux provenant de plusieurs sens: c'est ce qu'il appelle la polysensitivité. L'appareil de Paul Bach-y-Rita a aujourd'hui été miniaturisé sous forme d'une petite languette avec des électrodes situées sur la surface de la langue et une caméra sur la monture des lunettes.

L'ingénieur Paul Bach-y-Rita résume la plasticité du cerveau et la polysensitivité, c'est à dire la capacité du cerveau à traiter n'importe quel signal sensoriel, en une phrase immodeste mais limpide: "je peux raccorder n'importe quoi avec n'importe quoi..."

14 ans plus tard, en 1983, un neurochirurgien, Mriganka Sur, recâbla le cerveau d'un jeune furet en redirigeant les nerfs optiques sur le cortex auditif. Il démontre alors que les neurones de son cortex auditif se mettent à traiter la fonction visuelle: Le furet a pu récupérer jusqu'à 30% de sa vision.

La découverte de la plasticité du cerveau lors de la jeunesse est admise depuis les années 1960, mais elle est, au moins à l'origine, étrangère aux neurosciences. Elle nous vient de l'éthologie: la science de l'étude du comportement animal (et humain, par extension). Konrad Lorenz, l'un des fondateurs de cette science, découvrit que lorsqu'un poussin est placé en présence d'un être humain pendant un bref laps de temps suivant l'éclosion, il reste lié à cette personne et non à sa mère, et ceci pour toute sa vie. Lorenz nomme ce processus "l'empreinte" et ce laps de temps a été appelé "période critique" (2). La version psychologique de cette période critique a été décrite par Freud, pour qui la croissance procède par étapes courtes et différenciées au cours de l'enfance. L'enfance est une période d'intense plasticité du cerveau, aussi bien chez l'homme que chez l'animal.
En 1960, deux chercheurs, David Hubel et Torsten Wiesel firent une expérience où ils suturèrent la paupière droite d'un chaton pendant ce qu'ils estimaient être la période critique de la vision. Lorsqu'ils enlevèrent les points de suture, le chaton était effectivement devenu aveugle de l’œil droit. Bien que son œil soit resté en parfait état de marche, dans le cerveau, la loi qui domine, c'est "use it or lose it". Mais ils firent aussi une autre découverte: l'aire cérébrale qui devait traiter les informations de l’œil droit réagissait désormais aux signaux en provenance de l’œil gauche! Ce qui ne sert plus est recyclé à d'autres usages.
Mais Torsten et Wiesel, comme quasiment l'ensemble du corps médical, considéraient que la neuroplasticité était un phénomène restreint à l'enfance et plus précisément à la "période critique".

En 1972, lorsque Michael Merzenich tente d'introduire le concept de neuroplasticité chez l'adulte, son article est censuré par son superviseur.

Dans les années 1930, Wilder Penfield est neurochirurgien à Montréal. Lorsqu'il opère des patients épileptiques, en leur ouvrant le crâne, il constate que lorsqu'il stimule l'aire du cortex associée à la main, le patient ressent une sensation à la main. Il passe alors plusieurs années à opérer et cartographier les aires du cerveau et constate que le cerveau est "topologique": les aires qui sont physiquement adjacentes les unes aux autres sur le corps, le sont également dans le cerveau. Par exemple, les neurones qui contrôlent le majeur sont adjacents de ceux qui contrôlent l'index et ainsi de suite.
Comme le corps médical considérait que le cerveau était immuable, on en déduisit que ces cartes étaient définitives, invariables et universelles, ce que Penfield lui-même n'a jamais affirmé.

En 1984, après avoir vaincu les dernières résistances, Merzenich démontre que la plasticité n'est pas un phénomène lié uniquement à l'enfance, mais un phénomène ordinaire du cerveau: Il établit la carte cérébrale de la main d'un singe adulte, puis, il l'ampute du troisième doigt. Quelques mois plus tard, il refait la carte cérébrale de ce singe: L'aire du troisième doigt a été recyclée et réagit désormais aux signaux des deux doigts adjacents. 
En 1949, le psychologue comportementaliste canadien Donald Hebb avait émis une hypothèse intéressante concernant le raccordement des neurones au cours de la période d'apprentissage: si deux neurones voisins réagissent ensemble, en même temps, ils se raccordent l'un à l'autre (et inversement). A la fin des années 1980, Merzenich le démontre au cours d'une expérience dans laquelle il assemble deux doigts d'un singe en les suturant. Plusieurs mois après, les aires cérébrales liées à chacun des doigts ont fusionné en une seule!
On peut dire que dans le cerveau, c'est la guerre des nerfs: les nerfs sont en compétition les uns avec les autres pour le partage des ressources disponibles (les neurones).

En 1981, Edward Taub fût au centre d'une tourmente médiatique et judiciaire, accusé de torture lors d'expérimentation sur des singes. Après un très long périple judiciaire, il fût totalement innocenté au regard de la loi, mais la longueur de son périple judiciaire et médiatique et le manque de soutien de la communauté neuroscientifique au cours de cette aventure semblent clairement liés à l'anticonformisme de ses recherches.

Très en avance sur son temps, Taub invente une méthode de rééducation pour les victimes d'AVC basée sur la neuroplasticité: la thérapie du mouvement induit par la contrainte. A l'époque, les victimes d'AVC étaient considérées comme incurables et les quelques cas de guérison, comme celui de Pedro Bach-y-Rita, considérés comme exceptionnels.
Les neurosciences étaient alors dominées par la vision comportementaliste, qui affirmait que nos mouvements sont des réflexes, des réactions à l'environnement, et que le libre arbitre n'existe pas. Cette vision dogmatique du mouvement réflexe était corroborée par une expérience passée de Sir Charles Sherrington, qui avait montré qu'en sectionnant les nerfs sensoriels (désafférenciation) du bras d'un singe, celui-ci ne peut plus bouger son bras, bien que son nerf moteur (reliant le cerveau aux muscles) n'ait pas été sectionné. Il avait été déduit de cette expérience que tout mouvement est un réflexe, induit par une sensation, et qu'il n'existe pas de mouvement d'origine "intérieure" (libre arbitre). Cette conclusion était évidemment très en phase avec la vision mécanique et machinique du vivant qui prédominait à l'époque (encore une illustration du biais de confirmation).

Taub eu l'intuition que si le singe ne se sert plus de son bras "désafférencié" (par exemple le droit), c'est parce que, pendant la période du choc rachidien, qui est consécutive à l'opération et qui dure quelques mois, le singe, ayant toujours l'usage de son bras gauche, désapprend l'usage du bras droit. A la fin de cette période, les neurones en charge du bras droit, n'ayant pas été utilisés, ont été "recyclés" pour gérer le bras gauche et le singe "perd" effectivement l'usage du bras droit. Taub appelle ce processus "la désuétude acquise".
Pour le prouver, Taub commença par placer une courroie sur le bras intact, pour contraindre le singe à se servir de son bras désafférencié: Et le singe parvient effectivement à récupérer l'usage de son bras invalide.
Puis, au lieu de ne désafférencier qu'un seul bras, Taub désafférencia les deux bras du singe: paradoxalement, alors qu'il subit une lésion sur deux bras au lieu d'un, le singe récupère alors l'usage de ses deux bras!
Taub mène enfin une dernière expérience, au cours de laquelle il sectionne le nerf sensoriel du bras droit mais, au lieu d'entraver le bras valide (pour forcer le bras invalide à bouger), il entrave le bras invalide avec une courroie (ce qui ne devrait avoir aucun effet, non?). Pourtant, au bout de quelque mois (la période du choc rachidien), il libère le bras invalide, et le singe l'utilise sans problème! Son cerveau n'a pas "désappris" à se servir de son bras invalide, puisqu'il était entravé! Ce qui ressemble fort à un tour de passe-passe est pourtant tout à fait compréhensible à l'aune de la logique neuroplastique à l'oeuvre dans notre cerveau.

L'illusionniste (Neil Burger)
Vilyanur Ramachandran est un nom qui fait penser à un mage venu des confins des Indes et qui fait disparaître de splendides jeunes filles dans des boites. Et pourtant, ce ne sont pas des jeunes filles que Ramachandran fait disparaître dans ses boites, mais des membres, des membres fantômes...
L'algohallucinose, ou douleur hallucinatoire, est la douleur qu'on continue de ressentir dans un membre amputé. Elle affecte 95% des amputés et dure souvent toute la vie. Cette douleur fantôme a littéralement hanté la médecine depuis des millénaires. Au 18ème siècle, l'amiral Nelson y voyait une preuve de la survivance de l'âme... (encore un cas de paréidolie cognitive...)
En 1991, Ramachandran travaille avec un patient dont le bras a été sectionné lors d'un accident de voiture et découvre que l'aire neuronale qui traitait le bras a fusionné avec l'aire du visage, ce qui fait que le patient ressent un toucher à sa main fantôme lorsqu'on le touche avec un coton tige au visage.

Après avoir étudié le cas de plusieurs patients souffrant d'algohallucinose, Ramachandran en vient à penser que la douleur du membre fantôme est un effet du manque de rétroaction des nerfs sensoriels: le membre amputé n'informe plus le cerveau qu'il a bougé, de sorte que le cerveau continue d'envoyer des "ordres" de déplacement de plus en plus intenses. Il décide alors de combattre cette illusion par une autre, au moyen d'une boite à miroir, un dispositif réflecteur dans lequel le patient  met ses 2 bras, et, lorsqu'il bouge le bras valide, un astucieux jeu de miroir lui donne l'illusion que c'est son bras amputé qui bouge. Il donne la boite à un patient en lui demandant de s'exercer dix minutes par jour. Un mois plus tard, le patient le rappelle, heureux: il ne souffre plus! Et il n'a même plus besoin d'utiliser la boite! Ramachandran vient de réussir une opération qu'on pensait irréalisable: l'amputation d'un membre fantôme! Comme il le dit lui-même avec humour: "Je vais avoir du mal à obtenir le prix Nobel pour avoir amputé un membre qui n'existe pas..." (3)
Ramachandran a donc réalisé la première intervention chirurgicale neuroplastique!

La pupille humaine se dilate sous l'eau par un mouvement réflexe, mais, alors qu'on croyait ce réglage visuel fixe et inné, les Gitans de la mer du golfe du Bengale ont acquis la capacité à resserrer leur pupille de manière à pouvoir voir clairement sous l'eau. La vision sous-marine acquise des Gitans de la mer (des suédois peuvent l'acquérir aussi), et la transformation de leurs circuits cérébraux, n'est qu'un exemple parmi d'autres de neuroplasticité. Ainsi, en 2011, une étude a été conduite sur les chauffeurs de taxis Londonien, qui doivent passer un examen très long et contraignant d'apprentissage de la géographie de la ville, apprentissage au cours duquel ils apprennent le nom de 25 000 rues et lieux autour de la gare de Charing Cross. L'étude montre qu'au bout de 4 ans, l'hippocampe des candidats (L'hippocampe est le centre de la mémorisation spatiale) a grossi par rapport à celui de la population normale. (4)

Nous avons perdu la capacité de voir sous l'eau lorsque nos ancêtres amphibiens sont sortis de l'eau. Mais le cadeau dont nous a doté l'évolution, c'est la capacité à modifier nos circuits cérébraux pour retrouver la capacité de voir sous l'eau ou à conduire un taxi dans le dédale des rues londoniennes. Ainsi, chacun de nos cerveaux est unique, et adapté à son environnement.

Le cerveau n'est pas une machine, ni un ordinateur: c'est un organisme biologique, un organisme vivant, qui évolue et fait de chacun de nous des êtres uniques au gré des circonstances et de nos choix. Mais de la même manière qu'on ne peut pas avoir à la fois la force d'un éléphant et la légèreté d'un oiseau, cette unicité est le résultat d'un compromis. Les chauffeurs de taxi londoniens ont plus de mal que les autres à mémoriser des motifs géométriques, comme si les cartes de Londres encombraient leur esprit, capacités qu'ils récupèrent après quelques temps à la retraite. De même qu'on ne peut être à la fois coureur de fond et sprinter, on ne peut donc pas être en même temps chauffeur de taxi et géomètre.

Nos choix, notre environnement et le hasard des circonstances modèlent notre cerveau et donc notre vision du monde et notre personnalité.

Sources:
(1) "Les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau" - Norman Doidge
(2) "L'éthologie" - Jean-Luc Renck, Véronique Servais
(3) Les explications de Ramachandran - Conférence TED
(4) "Sur les épaules de Darwin" - Jean-Claude Ameisen

Autre article intéressant:
Blog - Pourquoi le cerveau n'est pas un ordinateur - Alex Knapp

6 commentaires:

  1. J'arrive un peu tard. J'ai suivi un lien que vous (Steph) avez donné sur scilogs.

    Je pense, comme vous, que l'on a abusé de l'analogie entre le cerveau et l'ordinateur. Mais je pense aussi que cette analogie n'est pas totalement sans fondement, et qu'à force de s'y opposer, on a crée beaucoup de confusions. Par exemple, l'article de Forbes* a pour titre "Pourquoi votre cerveau n'est pas un ordinateur." Je trouve cette formulation trop expéditive, car cela dépend de ce à quoi on s'intéresse dans un ordinateur. Cela ne va pas de soi car il est évident que lorsqu'on compare un cerveau à un ordinateur, on ne compare pas l'apport en glucose à une alimentation 450Watt d'un PC. On doit donc se mettre d'accord sur ce que l'on compare.

    De façon non exhaustive, on peut se focaliser sur ces points de comparaison :
    - la modularité
    - le parallélisme
    - la plasticité
    - la nature algorithmique des traitements
    - la rationalité
    - le déterminisme
    - la matérialité

    À partir de là, on peut proposer des thèses comme :
    (a) Le cerveau est modulaire comme l'ordinateur
    (b) il y a une correspondance simple (de type bijection) entre nos actions OU nos représentations mentales AVEC les variables des algorithmes de notre cerveau
    (b bis) les algorithmes de notre cerveau ont la même granularité que ceux que l'on développe sur nos ordinateurs
    (c) le cerveau effectue des traitements de nature algorithmique
    (d) la partie consciente de l'esprit réalise des calculs proches de ceux que l'on fait sur ordinateur (avec la même granularité)

    La théorie computationnelle de l'esprit officielle suppose (a) et (b), qui impliquent (b bis). Cette théorie, bien qu'ayant été féconde, est facilement réfutable. Mais la réfuter, ce n'est pas réfuter (c) ni (d). En particulier je pense que l'analogie fonctionne pour discuter de déterminisme et de cloture causale. Par ailleurs, on peut créer un programme parallélisé sur plusieurs processeurs, non-modulaire et plastique (si le substrat n'est pas composé de transistors mais d'unités logicielles)


    * Je précise que le contenu de l'article de Forbes évite certaines confusions, malgré son titre.

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    1. Bienvenue Hadrien, mieux vaut arriver tard que jamais :-)
      Mon propos n'est pas de dire qu'on ne peut pas trouver de similitudes entre le fonctionnement du cerveau et celui d'un ordinateur: on peut trouver des similitudes partout. (c'est même une propriété de notre cerveau, la mémoire associative, que de créer des liens).
      Mais je pense simplement que cette analogie est partielle et réductrice et je pense, comme vous, qu'on en a abusé tant et si bien qu'elle est devenue un paradigme dominant (et qui nous empêche donc de penser les choses autrement).
      Est-ce que cette analogie fonctionne pour discuter du déterminisme et de clôture causale? Pour moi déterminisme et clôture causale sont 2 choses différentes. La clôture causale dit que les effets physiques ont des causes physiques, ce qui me semble une hypothèse raisonnable. Mais elle n'implique pas du tout le déterminisme.

      J'ai rédigé plusieurs articles dans ce blog pour dire en quoi, à mon avis et de l'avis de beaucoup de scientifiques et philosophes, le monde était justement de nature non-déterministe:

      Karl Popper:
      http://pvegalnrt.blogspot.fr/2013/11/chapitre-15-des-nuages-et-des-horloges.html

      Ilya Prigogine et Isabelle Stengers:
      http://pvegalnrt.blogspot.fr/2013/11/chapitre-13-le-probleme-trois-corps.html

      http://pvegalnrt.blogspot.fr/2013/12/chapitre-20-entre-le-temps-et-leternite.html

      Heisenberg et Schroedinger:
      http://pvegalnrt.blogspot.fr/2013/11/chapitre-11-le-demon-de-laplace-face.html

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    2. @Steph

      C'est vraiment le paradigme dominant ? Fodor, un des inventeurs de la théorie computationnelle de l'esprit, écrivait déjà en 2000 "The Mind Doesn't Work That Way" pour réfuter sa propre théorie.

      Clôture causale et déterminisme sont deux choses différentes, je ne dis pas le contraire ;-)

      Sur le déterminisme, je n'ai pas d'avis tranché concernant la réalité en générale, mais je doute que des effets non-déterministes soient déterminants dans la compréhension du fonctionnement du cerveau (sauf si on range le chaos dans le non-déterminisme, mais dans ce cas on pourrait aussi qualifier certains algorithmiques de non-déterministes) et je ne crois pas que la théorie de l'esprit quantique soit vraiment prise au sérieux.

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    3. Non je ne pense pas que la théorie de l'esprit quantique soit vraiment prise au sérieux.
      Par contre, je range en effet le chaos dans le non-déterminisme. (Bien qu'il porte parfois le nom étrange de "chaos déterministe" lorsque le système est régi par des lois déterministes - ce qui n'est pas le cas des composants quantiques de la matière de notre univers)

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  2. Il y a des relents de vitalisme dans votre avant-dernier paragraphe.

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