Si l'on connaît un certain nombre de paramètres initiaux concernant une boule de billard au repos, la résistance du tapis et la puissance de l'impact, on peut relativement facilement calculer ce qui se passera au premier impact.
Prévoir ce qui se passera après le deuxième impact est déjà plus compliqué mais possible: il faut simplement plus de précision dans les paramètres initiaux.
Mais pour prévoir ce qui se passera au neuvième impact, les calculs doivent prendre en compte la poussée gravitationnelle de la personne se trouvant à côté de la table.
Pour calculer le cinquante-sixième impact, toutes les particules élémentaires de l'univers doivent figurer dans le calcul.(1)
De manière étonnante, les joueurs de billard professionnels parviennent à des résultats qui surpassent la résolution de l’œil humain. Pourtant, celle-ci est bien inférieure à la précision des angles qu'il faut pouvoir calculer pour parvenir à leurs performances. (2)
Au premier abord, on a tendance à croire que prévoir la trajectoire d'une boule de billard à partir des conditions initiales est un problème simple: on a pu faire ce genre d'exercice pendant nos études, ce qui, contrairement à ce qu'on pourrait penser, accroît notre tendance à sous-estimer la complexité du problème. En réalité, ce problème n'est simple que parce que nous ignorons volontairement la plupart des conditions réelles, ce qui fait qu'il n'est simple que dans notre cerveau.
Ce qui est simple, c'est la modélisation que nous en faisons, ce que j’appellerai le "biais de simplisme" ou "biais d'idéalisation" et que Daniel Kahneman appelle "l'aisance cognitive" (3).
Le biais d'avarice cognitive vient du fait que nous connaissons le modèle mathématique du problème du billard (le calcul des angles), c'est à dire une modélisation "idéale" du problème (par "idéale", j'entend, non entachée d'entropie ou d'autres complexités). La confiance que nous avons dans cette modélisation déterministe vient du fait qu'elle nous est familière. La familiarité renforce notre confiance dans ce modèle (mais pas la véracité du modèle).
Notre cerveau étant une machine associative, il associe automatiquement le problème à son modèle mathématique (idéalisé). Il s'agit d'un réflexe cognitif trompeur: un biais de notre pensée.
Les modèles sont des simplifications de la réalité. On pourrait les appeler des approximations, si nous avions en permanence conscience de ce que nous simplifions et des paramètres que nous ignorons, mais comme ce n'est la plupart du temps pas le cas, je préfère les appeler des idéalisations.
- Que la lune tourne autour de la terre...
- Que la terre tourne autour du soleil... sur une trajectoire elliptique ??
En réalité, la lune et la terre tournent toutes les deux autour de leur centre de gravité commun (qui ne se situe pas au centre de la terre mais se situe à environ 1700 km de la croûte terrestre).
Ce qui fait que notre terre ne décrit pas une ellipse autour du soleil mais plutôt un genre d'"ellipsoïde florale".
Voyez cet excellent blog où est illustré le mouvement de la terre par rapport au soleil.
(Le centre de gravité terre-lune, le mouvements de la terre et de la lune, et le mouvement de la terre autour du soleil).
Si ces idéalisations sont inoffensives dans la plupart des cas, puisqu'elles constituent de bonnes approximations du monde physique, elles peuvent nous tromper dans certains contextes et particulièrement dans tout ce qui ne relève pas des sciences dures, comme l'économie, les sciences sociales et comportementales, le management, la sociologie, la psychologie, l'histoire, la politique, etc.
C'est ce que nous verrons dans le prochain article...
Voyez cet excellent blog où est illustré le mouvement de la terre par rapport au soleil.
(Le centre de gravité terre-lune, le mouvements de la terre et de la lune, et le mouvement de la terre autour du soleil).
Si ces idéalisations sont inoffensives dans la plupart des cas, puisqu'elles constituent de bonnes approximations du monde physique, elles peuvent nous tromper dans certains contextes et particulièrement dans tout ce qui ne relève pas des sciences dures, comme l'économie, les sciences sociales et comportementales, le management, la sociologie, la psychologie, l'histoire, la politique, etc.
C'est ce que nous verrons dans le prochain article...
Sources:
(1) "Le cygne Noir" - Nassim Nicholas Taleb
(2) "Rugby quantique" - Jonny Wilkinson, Etienne Klein, Jean Iliopoulos
(3) "Système 1/Système 2" - Daniel Kahneman
Un article intéressant au sujet du déterminisme du billard:
http://www.doublecause.net/index.php?page=billard.htm
Je souscris totalement à cette problématisation de la modélisation comme idéalisation ! À cela, j'opposerais le principe de réalité vécue, c'est-à-dire pas seulement phénoménologique, ni même existentielle, mais, pour rester dans l'exemple du billard, le fait qu'un bon joueur de billard parvient réellement à *savoir* mettre la boule dans le trou, même après de multiples impacts. C'est un savoir, pas une connaissance, ce qui consisterait en une formalisation et donc une modélisation. Le bon joueur de billard sait mettre la boule dans le trou parce que c'est ce qu'il vit en réalité et non un calcul à partir de multiples paramètre et de lois anticipant des conséquences déterminées.
RépondreSupprimer@Gibus: En effet, si le joueur de billard parvient à ce résultat, c'est au bout d'un long apprentissage de type essai-erreur, ce en quoi la vie est la grande experte invaincue à ce jour. Nous pouvons le constater dans l'étonnant processus évolutionniste qui a fait de nous et de notre environnement ce que nous sommes. Le joueur de billard ne fait que profiter d'une loi de la nature, celle de pouvoir s'adapter, empiriquement, à un environnement contraint: le billard... :)
RépondreSupprimerEt si le joueur de billard ne calculait rien voire ne reflechissait pas, car il aurait appris directement par cœur toutes les situations possibles et les actions correspondantes pour arriver au but, sans être passé par de l'expérience ou des erreurs ?
RépondreSupprimer@Fred: Tu parles de toi, là ? :)
SupprimerOui, mais je n'y arrive pas car je manque de mémoire. Mais si c'était possible je pourrais économiser en énergie de calcul ;)
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