samedi 27 décembre 2014

L'irréductibilité computationnelle

J'ai parlé dans un article précédent du jeu de la vie de John Conway.
Pour certaines formes périodiques connues du jeu de la vie (les vaisseaux, les oscillateurs etc.), on peut prévoir quelle sera leur évolution.

Mais pour certaines configurations initiales, on ne peut pas prévoir si la forme va finir par se stabiliser, osciller ou disparaître. Il est impossible de prévoir leur évolution. On ne sait pas dire si la configuration atteindra l'un ou l'autre de ces stades, ni si elle le fait, au bout de combien de générations. On peut démontrer que connaître l'évolution ultime des certaines configurations initiales fait partie de la catégorie des problèmes mathématiques indécidables: il n'existe aucun algorithme capable de prévoir si une configuration initiale va s'éteindre ou si elle va conserver des cellules indéfiniment.

vendredi 12 décembre 2014

La sous-détermination des modèles

Pour faire suite aux commentaires de Marc et Nicolas dans cet article concernant la modélisation, je voudrais attirer l'attention sur une difficulté fondamentale de la modélisation des systèmes naturels:
Il s'agit du problème de la sous-détermination des modèles par rapport aux données d'observation, c'est à dire la capacité pour plusieurs modèles d'expliquer les mêmes données.
Ce problème caractérise grandement tous les systèmes complexes, notamment biologiques et sociaux.

dimanche 16 novembre 2014

Le piège cognitif de l'induction

Lundi soir, pour les commémorations du 11 novembre, France 2 a passé des extraits de la vie de la célèbre scientifique Marie Curie. Dans l'un de ces extraits, on la voit aider un médecin à extraire la balle du corps d'un soldat en donnant des indications sur la position de la balle avec une photo où l'on voit la balle et le squelette à travers le corps du soldat.
Les rayons X et la radiographie ont été découverts en 1895 par Wilhelm Röntgen et la technique radiographique est donc relativement récente. A côté d'elle, un figurant, voyant les radiographies, s'exclame: "C'est magique!".
Ce à quoi l'actrice figurant Marie Curie répond: "Mieux! C'est scientifique!"
J'ai déjà évoqué le sujet dans l'introduction de la saison 2 de ce blog: La science a quelque chose de magique qui fait qu'on pourrait la croire infaillible. Pourtant, la connaissance scientifique recèle une faille logique peu connue, ou volontairement ignorée: l'induction.

samedi 15 novembre 2014

Préambule au prochain article - les lois scientifiques

Au 19ème siècle, on tenait la loi de la gravitation universelle de Newton pour certaine, car elle avait confirmé la plupart des faits pendant 300 ans. Aussi bénéficiait-elle d'une confiance quasi absolue jusqu'à sa remise en cause par la loi de la relativité générale d'Einstein qui est une théorie relativiste de la gravitation.

De même, le modèle de Kepler rendait presque parfaitement compte du mouvement des planètes et on le tenait pour certain jusqu'à sa remise en cause par Newton.
La différence en ce qui concerne la description des mouvements du système solaire ne réside que dans le fait que les lois de Kepler considèrent les masses des planètes comme négligeables par rapport à celle du soleil, ce qui est, la plupart du temps mais pas toujours, une bonne approximation.

dimanche 26 octobre 2014

C'est l'anniversaire du blog!

Demain, c'est l'anniversaire de Cécile (La Cécile qui est évoquée dans le premier article de ce blog), ce qui veut dire que c'est aussi quasiment l'anniversaire des un an ce blog.
J'ai publié en tout 41 articles.
Il est temps d'établir un petit bilan.

L'article le plus populaire a été "Les illusions cognitives" (1405 vues à ce jour)
Il est suivi de "Entre le cristal et la fumée"  (1060 vues à ce jour).
Mon article préféré (Même les sciences dures sont molles) ne vient qu'en 4ème position (624 vues) après "La cybernétique - la mémoire" (665 vues).
Je regrette un peu que "La machine molle" (mon dernier article) ne totalise que 29 vues (merci au 29 fidèles abonnés directement à ce blog), car, vous l'avez constaté, j'ai un faible pour la matière molle.

jeudi 16 octobre 2014

La machine molle

Parmi les nombreux cas de cécité théorique ayant émergé d'une théorie scientifique, il y en a peu qui m'agacent autant que celle du cerveau-machine. Ce paradigme présuppose que notre cerveau fonctionnerait comme une machine ou un ordinateur, avec ses centres de traitement spécialisés, ses bugs, son disque dur, sa mémoire haute-fidélité, sa mémoire flash etc. etc.
Ce paradigme mécaniste, renforcé par l'essor de l'informatique, s'est tellement imposé dans la société au cours des années, que j'ai peiné à ébaucher cet article qui tente de l'ébranler (tâche titanesque que je serais bien présomptueux de vouloir effectuer tout seul dans un article de blog évidemment, mais je ne serais pas mécontent d'ajouter mon grain de sable à ce rouage trop bien huilé). Que n'a-t-on pas entendu en 2011 lorsque Watson, l'ordinateur d'IBM, a remporté le jeu Jéopardy, rééditant ainsi l'exploit de Deep Blue lorsqu'il battit Gary Kasparov aux échecs. Les tenants du dogme du cerveau-machine nous expliquaient alors qu'on était à deux doigts de pouvoir simuler un cerveau sur un ordinateur, ce qui me semble être un cas flagrant d'hybris. Heureusement, je ne suis pas seul à être agacé par cette vision simpliste des choses et de nombreux articles hérétiques paraissent désormais dans des journaux scientifiques, y compris grand public (bien que le magazine "Pour la Science" vienne de publier son mensuel d'octobre sous le titre "décrypter le cerveau, comment la science y parviendra"...)

samedi 13 septembre 2014

L'émotion

Suivant la théorie de la sélection naturelle, un phénomène biologique à l'oeuvre chez un être vivant, devrait avoir une raison d'avoir été sélectionné par l'évolution. Or, on considère habituellement que l'émotion ne peut que perturber notre raisonnement et notre comportement. On exprime habituellement cette croyance par des expressions comme "faire preuve de sang-froid" ou "garder la tête froide", pour signifier qu'il faut laisser ses émotions de côté pour raisonner correctement. Si les émotions sont à l'origine de comportements inadaptés, pourquoi alors l'évolution aurait-elle laissé ce phénomène perdurer ? Et pourquoi se serait-il développé en premier lieu ?

jeudi 14 août 2014

Un fantôme dans la machine

Le dualisme cartésien, qui postulait que l'esprit est une entité distincte du corps, a alimenté le débat de la philosophie occidentale pendant près de quatre cents ans. Ce débat, encore vivement d'actualité en psychologie et dans les sciences cognitives en général, est connu aujourd'hui sous le nom anglais de "mind-body problem", et son objet est de comprendre les relations entre le corps (entité physique) et l'esprit (entité mentale).
En 1949, dans "The Concept of Mind", le philosophe Gilbert Ryle raille le dualisme cartésien qui décrit l'esprit comme un fantôme dans la machine, c'est à dire une entité séparée et "pure" qui habiterait notre cerveau et donnerait des ordres pour diriger notre corps.

dimanche 13 juillet 2014

Les illusions cognitives

Beaucoup d'entre nous, philosophes, scientifiques, penseurs, décideurs, hommes politiques, économistes, et tous ceux dont l'activité est essentiellement cérébrale (mais les autres aussi), croient à tort en la toute-puissance de notre esprit et se définissent volontiers comme "cartésiens" (voir au sujet de la toute-puissance de la raison l'introduction de la saison 2 de ce blog).

Il est vrai que la philosophie cartésienne influence la culture occidentale depuis plus de quatre siècles.

L'une des citations les plus connues du Discours de la méthode est celle où René Descartes déclare que "le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" (1). Pour le philosophe, le "bon sens" signifie "la raison", qui serait "pure" et donc "vraie" ("les choses que nous concevons clairement et distinctement, sont toutes vraies", déclare-t-il)
Nous utilisons parfois cette citation sur le bon sens de manière détournée lorsque nous voulons imposer nos idées et faire taire les oppositions (qui n'a pas entendu l'expression "c'est une question de bon sens, voyons!", réduisant à néant toute velléité de débat). 
Il est donc grand temps de se pencher sur ce "bon sens" dont il est question.

samedi 14 juin 2014

Même les sciences dures sont molles

La persistance de la mémoire (1)
Dans cette série sur les biais cognitifs, je vais commencer par le pire qui soit dans les sciences et aussi l'un des plus néfastes pour la société: il s'agit d'un biais appelé "cécité théorique".

Nous adorons classer les choses de manière simpliste. Il y a les bons et les mauvais, la gauche et la droite, ce qui est bien et ce qui est mal, etc. 
En science, il y a les sciences dures et les sciences molles. On classe généralement les sciences conduisant à des prédictions déterministes dans la catégorie des sciences "dures", tandis qu'on classe les autres, celles dont les prédictions sont plus hasardeuses, probabilistes ou "à géométrie variable" dans la catégorie des sciences "molles".
En gros, les sciences "dures" seraient celles pour lesquelles on peut avoir des quasi-certitudes sur l'avenir alors que la complexité, le hasard et l'incertitude sont le propre des sciences "molles". 

mercredi 14 mai 2014

La saison II est arrivée !

Après la saison I, consacrée à la mystérieuse entropie, Agnostique démarre une nouvelle saison qui sera davantage tournée vers l'épineux (donc fractal) problème des limites de nos connaissances.

Cette nouvelle saison n'est pas sans lien avec la saison précédente, mais elle sera peut être plus philosophique, plus épistémologique et probablement plus polémique, car elle se veut radicalement iconoclaste.
J'essaierai d'y placer un maximum de mots incompréhensibles comme "iconoclaste" ou "épistémologique" afin d'illustrer le thème des limites de la connaissance. (Non je rigole, c'est juste que ça m'amuse et ça stimule la curiosité des lecteurs. J'ai mis des liens vers wikipedia pour les petits curieux)

samedi 3 mai 2014

Le café des sciences


Il y a quelques temps, j'ai découvert une association fantastique qui regroupe une communauté de bloggeurs qui traitent de sujets scientifiques. Cette association  s'appelle "Le café des sciences".
Je vous recommande chaudement leur site qui est un point d'entrée vers une multitude d'excellents blogs.
Parmi eux, mes préférés:

samedi 12 avril 2014

Fin de la saison 1 - La vie et la mort

Le triomphe du christianisme (1)
L'entropie c'est la mort?

"Toutes les religions visent à échapper à la mort et toutes les philosophies cherchent à la rendre supportable" (2)

La physique newtonienne nous a donné le sens des transformations à la fois réversibles et parfaites faites de trajectoires linéaires, et d'inertie...
Selon ces lois, la terre ne déviera jamais de sa trajectoire, tout est déterministe et peut-être prévu de manière exacte.
C'est ce qui amena Laplace à affirmer qu'une fois qu'on connaît toutes les positions et les vitesses de toutes les particules, le tour est joué, on n'a plus rien à apprendre, plus de nouveauté, le système ne fait que suivre des lois déterministes pour évoluer vers son état final. On connaît non seulement son point d'arrivée, mais toute sa trajectoire. C'est le triomphe du destin.

vendredi 21 mars 2014

Prochain article: aux environs du 15 avril - rythme de publication mensuel et sujet à révision

Bonjour lecteur de ce blog. 
Si tu as mieux à faire, n'hésite pas, ferme cette page et passe ton chemin, car cet article n'a pas d'intérêt, toute l'information est dans le titre. 

Pour ceux qui ont décidé de rester quand même, voici, pour passer le temps quelques réflexions personnelles.

J'ai failli publier un article pour cette semaine mais je ne suis pas prêt. J'ai beaucoup lu ces derniers temps et ces lectures ont causé un brain-storm dans ma tête.

samedi 8 mars 2014

L'homme, cet animal qui se la pète


La philosophie déterministe initiée par Newton au 17ème siècle avec aurait scellé la mort de Dieu dans la philosophie des sciences de la nature. C'est ainsi que peu après, Laplace aurait répondu à Bonaparte qui l'aurait interrogé sur Dieu: "Citoyen, je n'ai pas eu besoin de cette hypothèse".

En biologie, cette "hypothèse" renaît au 18ème siècle avec le vitalisme qui prétend que seul un principe vital supérieur peut expliquer l'évolution des êtres vivants.
Mais elle sera réfutée par Charles Darwin en 1859 dans son livre "de l'origine des espèces" et cette réfutation s'étoffera via la recherche génétique qui donnera une suite mécaniste et déterministe à la théorie de l'évolution, pour culminer dans les années 1970 avec le livre de Jacques Monod: "Le hasard et la nécessité" (voir cet article précédent),
Dans la conception déterministe de Monod, notre autonomie ne serait qu'illusion car nous serions la réalisation d'un programme ADN prédéterminé. Ce déterminisme génétique des années 1970 est l'objet du principal programme réductionniste en biologie: le décodage du génome humain.

samedi 22 février 2014

La cybernétique - La mémoire

L'entropie créatrice, c'est la flèche du temps, c'est la réconciliation de l'instant passé (mémoire conscience) avec le désir de futur (inconscient auto-organisateur). C'est bien l'affichage en mémoire de "modèles" déjà constitués que nous projetons sur notre environnement ("mappings") qui formerait notre conscience.
C'est cette mémoire qui unit à chaque instant le passé et le présent en projetant sur l'expérience présente des modèles constitués dans le passé.
Lorsque nous faisons face à un événement nouveau, une forme nouvelle (un chat roux par exemple), notre cherchons à l'associer à une chose déjà vue: c'est ainsi qu'un chat que nous n'avons jamais vu peut être associé à la catégorie des chats, mais ce nouveau chat jamais-vu va en retour agir sur la catégorie des chats de notre cerveau pour englober cette nouveauté.

samedi 8 février 2014

La cybernétique - La conscience

Pour terminer cette série d'articles inspirée du livre de Henri Atlan "Entre le cristal et la fumée", La théorie des systèmes auto-organisés permet d'esquisser une interprétation cybernétique des phénomènes de la conscience et de l'inconscient. Notre conscience est-elle le centre de décision de notre cerveau? Est-elle un simple épiphénomène faisant de notre libre arbitre un phénomène illusoire? Est-elle un phénomène émergent?

Des organismes vivants très élémentaires, nos cellules par exempleont une mémoire "biologique".
Les anticorps sont un autre exemple de processus inconscients auto-organisés avec stockage mémoire. Ce processus est à l'origine des vaccins (ex: nos cellules en "se souvenant" des vaccins "se souviennent" d'une agression précédente et nous permettent de lutter contre la suivante).
Il en est de même de toute réponse immunitaire ou de tout phénomène physique présentant une propriété d'hystérésis.

samedi 25 janvier 2014

L'auto-organisation

Certaines simulations inspirées de la théorie des jeux appliquées sur des populations de molécules autoreproductrices ont montré que pour qu'une population de molécules puisse survivre, un taux d'erreur faible mais non nul est nécessaire. S'il n'y a pas d'erreurs de copie, la population de molécules ne peut même pas se maintenir.

Atlan affirme qu'on peut démontrer que sous certaines conditions dans un système complexe, le bruit-créateur peut surpasser le bruit-destructeur, notamment dans le cas particulier de 2 sous-systèmes avec un changement d'alphabet et augmentation du nombre de lettre, ce qui est le cas lors du passage de l'ADN (alphabet à 4 lettre: ACGT) aux acides aminés (alphabet à 20 lettres).
Ainsi, d'après certains scientifiques, l'universalité du code génétique ADN serait le résultat inévitable d'un jeu d'évolution de populations de molécules organisées en 2 sous-systèmes à 2 alphabets.

samedi 18 janvier 2014

L'émergence des systèmes complexes

Les êtres vivants sont des systèmes complexes, c'est à dire des systèmes résultants de l'intégration d'éléments simples interconnectés (une cellule, des synapses...) qui forment donc un système non intégrable (au sens de Poincaré)
Mais qu'est-ce au juste que la complexité?
Un système nous apparaît complexe si on ne peut pas prévoir son évolution bien qu'on en connaisse les règles de fonctionnement (c'est le cas des automates cellulaires comme le jeu de la vie)
Or, l'entropie, c'est l'information que nous ne possédons pas sur un système complexe: c'est l'information que nous percevons, mais dont la signification nous est inaccessible et qui nous apparaît comme du bruit.

samedi 4 janvier 2014

Entre le cristal et la fumée - Henri Atlan

Le premier mouvement cybernétique recherchait la stabilité et considérait le bruit comme un élément perturbateur ou au mieux stabilisateur: un facteur d'ajustement pour tolérer les aléas et faire face à la nouveauté provenant de l'extérieur.

Dans "Entre le cristal et la fumée", Henri Atlan franchit un pas supplémentaire et défend la thèse que le bruit est la cause de l'émergence de nouveauté dans un système complexe.

De l'autre côté du miroir


Un système élémentaire ayant des règles simples et déterministes peut donc, comme c'est le cas dans le jeu de la vie et le fourmi de Langton, faire naître un système macroscopique ayant des lois complexes et non déductibles des lois du niveau élémentaire. C'est le modèle de l'émergence de l'ordre à partir de l'ordre ("order from order" de Schrödinger) évoqué dans cet article.
Et pourtant le monde de notre petite fourmi de Langton (décrit dans l'article précédent) est une extrême et odieuse simplification du monde physique réel:

Dans le monde réel, les particules élémentaires ne suivent pas des lois déterministes.
D'une part, les particules élémentaires se comportent de manière probabiliste et d'autre part, elles peuvent violer les règles du jeu de la physique classique déterministe.

C'est le cas par exemple du mystérieux effet tunnel.