Il s'agit d'un paradoxe inventé par les physiciens Einstein, Podolsky et Rosen pour tenter de démontrer l'incomplétude (disons plutôt l'inconcevabilité) de la théorie quantique.
Lors de sa découverte, la théorie quantique a laissé les physiciens perplexes à cause du problème de la mesure quantique:
En effet, cette théorie prévoit que 2 électrons ayant interagit se comportent comme une onde résultante de l'interaction des 2 électrons (c'est à dire une somme de 2 ondes avec des creux et des crêtes) et non comme deux particules séparées et indépendantes.
Ce comportement peut être illustré par l'expérience des fentes de Young superbement expliquée sur cette vidéo très didactique (A voir absolument, elle est en anglais sous-titrée en français)
La physique quantique prévoit que c'est au moment où l'on cherche à mesurer la position de l'une des 2 particules que la deuxième acquiert sa position (c'est à dire se "matérialise"). C'est ce qu'on appelle la "réduction du paquet d'onde": l'onde produite par le choc des 2 particules est une "onde de probabilité" de trouver ces particules à un endroit donné, mais dès que l'une des particules est détectée à un endroit donné, l'onde cesse instantanément d'être une probabilité pour devenir une matérialité.
Ce problème a donné lieu à un autre célèbre paradoxe de la physique: celui du "Chat de Schroedinger" (cliquez sur ce lien si vous aimez Garfield):
Schrödinger avait en effet imaginé une expérience de pensée dans laquelle il imaginait un système macroscopique (le chat) dans une boite qui contiendrait une fiole de poison létal qui se casserait en fonction des probabilités de désintégration d'un atome radioactif (qu'on aurait préparé pour qu'il ait par exemple 50% de chances de se désintégrer au bout d'une minute)
Or, la mécanique quantique prévoit que le système chat + électron se comporte comme une onde, c'est à dire un système global ou le chat est à la fois mort et vivant: en attendant que l'on observe le contenu de la boite, le chat existe comme une fonction d'onde, c'est à dire comme la superposition des 2 états "mort" et "vivant".
C'est cette interprétation, dite de Copenhague, que Schrödinger trouvait absurde.
Dans l'interprétation idéaliste (portée par le physicien Eugène Wigner), la question peut également se poser simplement de la façon suivante:
"Un arbre qui tombe dans une forêt où il n'y a personne fait-il du bruit?"
En gros, sans la présence d'un observateur, le bruit n'existe pas: c'est la position idéaliste.
Dans l'interprétation réaliste (Einstein): le bruit existe indépendamment de la présence de l'observateur.
Il est à noter que l'interprétation de Copenhague n'est ni réaliste (comme Einstein), ni idéaliste (comme Wigner), mais simplement agnostique: elle ne fait pas de présupposés concernant une éventuelle réalité sous-jacente ou la prééminence de l'esprit sur le monde matériel.
L'expérience d'Alain Aspect en 1982 a réfuté le paradoxe EPR et confirmé l'interprétation quantique en prouvant que 2 électrons ayant interagit à un instant passé et aussi éloignés que l'on veut (c'est à dire ne pouvant plus interagir sans dépasser la vitesse de la lumière) continuaient de constituer un système unique (une onde) et restaient liés par cette expérience passée:
La détection de l'un dans un état donné fixait instantanément l'état de l'autre (instantanément=plus rapidement que la vitesse de la lumière) sans que ces 2 électrons aient pu se communiquer une quelconque information.
L'expérience d'Alain Aspect prouvait ainsi l'existence de corrélations à longue portée.
Evidemment, cette expérience remet en cause beaucoup de nos croyances intuitives concernant le concept de réalité, de l'existence de l'espace ou du temps. Pour ceux qui aiment se faire des nœuds au cerveau, voir l'expérience de la gomme quantique à choix retardé.
Sources:
La Cantique des Quantiques - Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod
Petit voyage dans le monde des quantas - Etienne Klein
Prochain article à paraître lundi soir 21H (A condition qu'il n'y ait pas de distorsion de l'espace-temps). Bon week-end à tous.
RépondreSupprimerLa lumière s'éteint-elle bien dans le frigo après en avoir refermé la porte ? Vous allez me dire oui, sinon je le verrais sur ma consommation d'électricité. Conclusion: elle s'éteint bien parce que vous l'espionnez !!
RépondreSupprimerEt si on avait pas de moyen de le vérifier, la lumière s'éteindrait-elle ?
Et si on mettait le frigo au milieu d'une forêt où il n'y a personne ?
Elle s'éteint dans 90% des cas, mais elle reste allumée dans 15% des cas... c'est le mystère des inégalités de Bell...
SupprimerEn fait, ces positions dogmatiques ne sont pas de tellement grande importance à mon sens. Si rien n'existe sans la présence d'un observateur, cela veut dire que rien n'a pré-existé à la présence d'un observateur ? Donc, avant l'apparition de l'Homme (ou même de la bactérie), l'Univers n'existerait-pas ? pas de big-bang, pas de formation de la Terre ? L'Univers se met à exister avec la naissance de la vie ou même de la conscience ?
RépondreSupprimerUn arbre qui tombe déclenche un événement : l'émission d'ondes. La présence d'un observateur interprète cette événement. L'appareil auditif capte une partie de ces ondes dans un spectre particulier et l'analyse avec son système cognitif. L'événement existe bien mais l'observateur en change le sens.
La question au fond du tiroir est : est-ce que certaines théories, comme la mécanique quantique n'est-elle qu'une représentation, superbe mais artefactuelle, uniquement produit de notre imagination et confirmée par des expériences, certes, mais biaisées par notre qualité d'observateurs ?
Mais je dirai, qu'au fond, on s'en fout. La Science est une quête de la Vérité, certes la plus objective possible. Mais la Vérité a-t-elle un sens hors du champ de notre conscience ? pas vraiment ... donc même si elle est déformée par notre qualité d'observateurs, ça n'est au fond pas grave puisque, de toute façon, nous ne pouvons nous abstraire de notre qualité d'observateurs et que cette même Vérité, nue, déconnectée de notre condition, nous serait inintelligible et inutile.
En effet, la position idéaliste est à mon avis intenable et il n'y a plus beaucoup de physiciens pour la défendre:
SupprimerSi c'est notre conscience qui réduit le paquet l'onde (et donc la superposition d'état), il faut se poser la question de savoir quel niveau de conscience? humaine? animale? A quel stade de la croissance d'un être humain?
Cela pose également le fameux problème de "l'ami de Wigner": si l'ami de Wigner observe le chat de Schrödinger pour savoir s'il est mort ou vivant, alors le système électron + chat + ami existe sous la forme d'une superposition de 2 états tant que Wigner ne sait pas si le chat est mort ou vivant.
Si on suit l'interprétation de Wigner, c'est sa conscience qui va décider de stopper cette superposition d'état, ce qui enlève tout libre arbitre à son ami... Sans compter à Wigner lui-même si un troisième ami qui ne connait pas le résultat de l'expérience se mêle de la partie...
A moins qu'on ne croit à la théorie des univers multiples d'Everett ou chaque collision décompose l'univers en 2 univers parallèles...)
De toutes manières, si nous sommes de purs esprits et que le monde est un rêve que nous produisons alors aucune expérience scientifique ne pourra prouver le contraire. (Nous sommes dans la matrice)
La position réaliste me paraît plus intéressante, et en tous cas plus féconde du point de vue scientifique car elle a l'intérêt de piquer notre curiosité, mais le mot "réaliste" prête à confusion.
En effet, par "réaliste", Einstein entendait "réaliste classique", or ce n'est pas parce qu'une théorie bouscule nos préjugés classiques sur la réalité qu'elle n'est pas réaliste... nous venons juste de comprendre que nous n'avions pas compris.
Le monde dans lequel nous vivons reste encore un grand mystère pour l'essentiel, sans quoi ce blog n'aurait pas d'intérêt. :-)