Lorsqu'il commence à s'intéresser à la théorie du chaos pour décrire la dynamique stellaire, le mathématicien et astronome français Michel Hénon déclare: "les astronomes sont parfois horrifiés par les systèmes dissipatifs - ils font négligés" (1)
La physique classique (Newtonienne) a triomphé en parvenant à expliquer les mouvements du système solaire, qui étaient restés jusqu'alors obscurs et nébuleux aux yeux des scientifiques.
Mais la mécanique céleste est par définition (quasiment) non dissipative, puisque ni le vent, ni l'eau, ni aucun frottement ne vient perturber les mouvements. Elle était pour les anciens philosophes grecs, le symbole du monde des dieux: parfaite, sans frottement, éternelle, non dissipative, tandis que nous, pauvres humains, vivions dans le monde sublunaire, entaché de frottement et de dissipation.
Le pendule sans frottement est l'objet généralement utilisé pour symboliser la perfection idéalisée de la mécanique classique. Son mouvement est totalement déterminé et totalement réversible.
Mais ce pendule n'existe pas, il n'est qu'une idéalisation du réel.
Dans la réalité, le frottement et la dissipation d'énergie le soumettent à la seconde loi de thermodynamique: Dès lors, son entropie ne peut qu'augmenter et son mouvement jusqu'alors réversible devient irréversible.
On dit que le mouvement d'un tel système dissipatif est régi par un "attracteur". Dans le cas du pendule, cet attracteur est ponctuel, c'est à dire que quel que soit la dynamique de départ du pendule (balancier, circulaire, ellipsoïdal ou autre), le pendule terminera sa course au repos à la verticale d'un point.
On peut modéliser l'attracteur dans ce que les mathématiciens appellent l'"espace des phases", c'est à dire qu'on modélise le système sous forme de 2 variables (par exemple, les variables x et y correspondantes à la projection du pendule sur un plan). On voit alors que x et y tendent tous deux vers le point (0,0)
Ce genre de système tend vers un équilibre ponctuel car il ne reçoit aucune énergie.
Les systèmes ouverts (qui échangent de l'énergie avec l'extérieur) sont différents:
Ils peuvent adopter des comportement très complexes et ne jamais tendre vers aucun équilibre ponctuel. C'est le cas par exemple des oscillateurs.
Dans le cas des oscillateurs, l'attracteur est cyclique, c'est à dire que quelle que soit la valeur des variables à l'origine elles tendent à rejoindre une courbe cyclique.
L'oscillateur chimique le plus spectaculaire est celui de l'horloge chimique de Belousov-Zhabotinsky ou un liquide va osciller du rouge au bleu avec un période régulière proche de l'horlogerie suisse - voir ici:
http://www.youtube.com/watch?v=a2CTQheapGY.
On voit ici qu'avec un apport d'énergie extérieur, des milliards de particules au mouvement désordonné se mettent à adopter subitement un comportement collectif coordonné. On est loin de l'entropie statistique qui nous apprenait que tout système tend vers le désordre et l'homogénéité. Dans le cas présent, on voit bien que du désordre microscopique et de l'interaction entre les particules naît un nouvel ordre macroscopique.
D'autres exemples d'ordre macroscopique surgissant du chaos de systèmes individuels existent aussi en physique: Le physicien hollandais Christian Huygens remarqua un jour que des horloges suspendues contre un mur oscillaient de manière totalement synchrone. Ce phénomène est dû à la propagation d'une onde dans le mur et il est appelé verrouillage de fréquence.
Il explique pourquoi la lune montre présente toujours la même face à la terre ou de manière plus générale pourquoi les satellites ont une période de révolution orbitale composée de nombres entiers.
Ce verrouillage de fréquence permet d'expliquer pourquoi un ensemble d'oscillateur, y compris biologiques, parviennent à fonctionner de manière synchronisée (comme les cellules cardiaques ou les cellules nerveuses ou certaines espèces de lucioles qui clignotent en rythme)
Reprenons notre exemple de pendule faiblement dissipatif. Attachons-le sur un plateau et soumettons ce plateau à un mouvement régulier (par exemple avant-arrière): alors le pendule se met à osciller de manière quasiment imprévisible suivant la périodicité du mouvement du plateau.
Tantôt il va adopter un comportement périodique lié à un attracteur cyclique, tantôt il va adopter un comportement qui semble totalement chaotique, en fonction du paramètre "fréquence du mouvement du plateau".
Or, sous certains de ces comportements chaotiques se cache un ordre insoupçonné: un ordre fractal...
Sources:
(1) La théorie du chaos - James Gleick
Entre le temps et l'éternité - Ilya Prigogine et Isabelle Stengers
Ah c'est rigolo j'ai mangé du chou-fleur ce soir !
RépondreSupprimer:) Et moi du chou romanesco vendredi soir. Les fractaux sont comblés !
RépondreSupprimerC'est bien, il y en a qui suivent ! :-)
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